Je ne suis pas, comme metteur en scène, un grand partisan de ce qu'on appelle le travail à la table (cette période où tous les artistes sont réunis autour du texte pour des lectures, des questionnements, du travail dramaturgique). Même si je reconnais que cet exercice peut être enrichissant, je n'arrive pas à m'y consacrer sans avoir l'impression de travailler dans le vide. Peut-être ai-je trop lu les écrits de Meyerhold qui affirme, avec conviction: Je n'aime pas le travail à la table. Je ne l'aime pas, c'est tout!
Derrière cette radicalité meyerholdienne se cache tout un raisonnement que je partage ici (tiré du petit fascicule Vsevolod Meyerhold publié en 2005 chez Actes Sud-Papiers... dans la collection Mettre en scène):
Pendant le travail à la table ne peut se produire qu'une entente entre le metteur en scène et les interprètes. Il est impossible d'entrer en scène avec assurance sur la simple base de ce qu'on a trouvé autour de la table. De toute façon, il faut presque tout reprendre depuis le début. Mais il reste souvent peu de temps pour cela: la direction vous presse. On a alors des spectacles bourrés d'erreurs sur le plan du rythme et de la psychologie. Et tout cela seulement pour être resté trop longtemps autour d'une table et s'être solidement habitué à ce qu'on a trouvé au cours de ce type de travail. Avec des metteurs en scène comme Sakhnovski, les acteurs, au fond, travaillent deux fois leur rôle: autour de la table et en scène, et ces deux méthodes se heurtent et se gênent l'une l'autre. Je conseille aux jeunes metteurs en scène de tâcher, dès le début, de répéter dans des conditions qui se rapprochent de celles du futur spectacle.