mercredi 20 mai 2020

Une brève histoire référendaire...



Il y a 40 ans aujourd'hui, les Québécois disaient non, pour la première fois, par référendum, au projet d'indépendance. Par crainte. Par foi en un fédéralisme renouvelé. Par conviction aussi.

Ce bien triste souvenir marque l'aboutissement (enfin, il serait plus juste de parler d'écrasement) d'une fabuleuse époque théâtrale au Québec: celle des années '70. C'est celle du théâtre populaire. De l'omniprésence du théâtre amateur, du théâtre communautaire. De la création collective. Du théâtre identitaire. Nationaliste. Du théâtre engagé. Du théâtre féministe. Du théâtre social. De partout (re)naît le théâtre québécois. Fécond.  Bouillant. Polymorphe. Revendicateur. 

En marche vers la souveraineté politique. Une émulation intense. Fébrile. Il faut dire qu'une grande partie du milieu culturel avait pris le train du rêve d'un pays à construire. Les artistes étaient partout.

Puis survient la défaite référendaire. Brutale. Et ses suites à la Trudeau. Le tout, sur fond de grave récession. De quoi foutre le cafard, de plonger dans une dépression générale.

Dans tous les livres d'histoire du théâtre au Québec, il y a un avant (que je viens de fort brièvement décrire) et un après. Un après composé d'une amère déception, d'une désillusion qui se développera en un certain désintérêt du collectif, d'un  désengagement politique. Quelque chose s'est cassé.

Après une décennie vécue à toute vapeur, le milieu théâtral passera à une autre étape. Il reprend son souffle, se questionne. Quelques mois à peine après l'échec seront convoqués, en novembre, les premiers États généraux sur le théâtre.

Cette décennie qui s'amorce de la sorte - et qui sera porteuse, en son genre, d'une infinie richesse - verra une profonde transformation du théâtre et du monde qui l'entoure! Cette époque marquera le retour aux classiques. Elle marquera aussi, pour le théâtre d'ici, le retour au premier plan des auteurs et du metteur en scène. La langue - élément identitaire s'il en est un - sera délaissée en tant qu'outil de combat pour revenir dans un champ résolument plus littéraire et poétique,  questionnant la place de l'artiste dans la société. D'une inscription dans un monde collectif les années précédentes, les oeuvres à venir seront campées dans un monde intérieur individualisé. Un peu comme un repli nécessaire.

Peu à peu, une nouvelle génération s'imposera dans toutes les sphères de l'activité théâtrale: auteurs (tels que Normand Chaurette, Michel-Marc-Bouchard, René-Daniel Dubois), metteurs en scène (Lorainne Pintal, René-Richard Cyr, Serge Denoncourt, Claude Poissant, etc.), concepteurs, comédiens. 

Qu'en aurait-il été si le oui l'avait emporté? Nous ne le saurons jamais. Une chose reste indéniable: ce moment - tout décevant qu'il soit - reste une charnière importante dans notre histoire.