mardi 13 octobre 2020

Le théâtre de la réalité en Nouvelle-France



Pendant longtemps nos ancêtres ont trop vécu les dures réalités, 
presque quotidienne, 
de la tragédie et du drame 
pour avoir l'inclination d'en écrire en faveur des générations futures.
Père Georges-Henri d'Auteuil


C'est un euphémisme de dire que le théâtre a eu de la difficulté à s'implanter en Nouvelle-France. Plusieurs raisons expliquent la chose: manque d'effectif, manque de temps, manque de ressources, manque de tout, situation de la colonie, opposition du clergé.

Mais voici une explication plus poétique (et plus en phase avec l'écriture légèrement pompeuse du XIXe siècle que j'aime tant) de Pascal Poirier... auteur dont il était question hier:

Le drame qui se déroulait alors dans le pays n'avait pas besoin du secours de la fiction pour être grand. Les décors en avaient été préparés par la grande nature. C'était, à droite, les monts Alleghanys, et à gauche, l'orgueilleuse chaîne des Laurentides; avec les grands lacs, pour perspectives, au second plan; et, en face du public européen, l'Acadie, cinq fois incendiée, éclairant la rampe de ses feux couleur de sang. La scène, avec des changements à vue dans le genre de ceux qu'on voit dans Macbeth, s'étendait en longueur depuis Détroit jusqu'à Saint-Jean de Terre-Neuve, et en largeur de la baie d'Hudson à l'Île Manhatte. Quant aux acteurs, c'étaient nos pères, tenant tous un rôle, tous, depuis l'enfant jusqu'au vieillard, et jouant ce drame dont le dénouement, plus sombrement religieux que ceux des trilogies d'Eschyle, était la conservation du Canada à la France catholique, ou son abandon à l'Angleterre protestante. 

Un point de vue qui se tient... ou qui, à tout le moins, fait joliement image!