jeudi 27 septembre 2012

Вера Фëдоровна Комиссаржевская


Voici, en quelques mots, une petite présentation de Вера Фëдоровна Комиссаржевская ou, dans une version plus francophone, Vera Komissarjevskaïa, dont il était question à la fin du billet précédent. D'abord quelques clichés:



La meilleure façon d'avoir un bref aperçu de cette vie importante pour le monde russe de la fin du XIXième et du début du XXième siècle (que je croise très souvent dans mes recherches meyerholdiennes!) est de passer par le Dictionnaire encyclopédique du théâtre de Michel Corvin:


(Saint-Pétersbourg 1864 - Tachkent 1910) Actrice, directrice de théâtre russe.

Après des débuts au théâtre amateur, elle conquiert la jeunesse intellectuelle au théâtre Alexandriski de 1896 à 1902 dans les rôles de Larissa (La fille sans dot d'Ostrovski), Fantine (Les Misérables de Hugo), Marguerite (Faust de Goethe), Nina Zaretchnaïa (La Mouette de Tchekhov). Insatisfaite de la routine de la scène impériale, cette actrice lyrique et fine, à la voix vibrante, ouvre en 1904 son propre Théâtre dramatique Vera Komissarjevskaïa, où elle fait d'abord appliquer les réformes du Théâtre d'art de Moscou dans un répertoire qui incarne des idées de progrès social (Les estivants et Les enfants du soleil de Gorki, Maison de poupée d'Ibsen). Dans un second temps, elle s'éloigne du naturalisme, se rapproche des symbolistes russes, invite en 1906 Meyerhold qui réalise une série de mises en scène expérimentales. Elle triomphe dans les rôles d'Hedda Gabler, de Nora, de Béatrice (Soeur Béatrice de Maeterlinck); mais après son échec dans Pelléas et Mélisande de même auteur, elle condamne les méthodes de Meyerhold qui mènent à un «théâtre de marionnettes». Congédié fin 1907, il est remplacé par le frère de Vera, Komissarjevski, et par Evreinov. Devant le déficit financier, elle organise des tournées en Russie. En 1909, elle décide d'abandonner le théâtre parce que «dans sa forme actuelle, il a cessé de lui paraître nécessaire» pour fonder une école théâtrale à finalité spirituelle. Mais elle est emportée par une épidémie de variole. On l'a surnommée la «Duse russe», comparaison d'autant plus pertinente que, bien qu'elles aient toutes deux senti la nécessité de se soumettre à un réformateur de la scène - Meyerhold, Craig - elles sont entrées en conflit avec lui.

Dans la suite de cette notice biographique, voici deux lettres qu'elle a écrite... la première à Meyerhold lui-même pour lui signifier la rupture (publiée dans Vsevolod Meyerhold ou l'invention de la mise en scène):

Vsevolod Émiliévitch Meyerhold, ces derniers jours j'ai beaucoup réfléchi et je suis parvenue à la ferme conviction que nos vues sur le théâtre ne sont pas convergentes, que ce que vous cherchez ne correspond pas à ce que je cherche, moi. Le chemin où vous vous êtes engagé est celui qui conduit au théâtre de marionnettes, sauf lorsque vous combinez les principes du théâtre traditionnel et ceux du théâtre de marionnettes. Je n'ai malheureusement compris cela que ces derniers jours, après de longues réflexions. Je regarde l'avenir droit dans les yeux et j'affirme que nous ne pouvons emprunter ensemble ce chemin qui est le vôtre et qui m'est pas le mien, et en réponse à une de vos remarques à la dernière réunion de notre comité artistique, où vous nous demandiez s'il ne valait pas mieux pour vous de quitter ce théâtre, je vous dis maintenant: oui, votre départ est nécessaire. C'est pourquoi je ne peux plus vous considérer comme mon collaborateur.

Cette lettre est datée de la fin de 1907... quelques mois plus tard, en novembre 1909 (quelque temps avant sa mort), elle écrira cependant: Je continue encore maintenant à estimer que Meyerhold est un éminent novateur plein de talent, qui poursuit ses recherches avec un authentique sincérité. Des spectacles comme  Baraque de foire, La vie de l'homme et Soeur Béatrice sont à mon avis des chefs-d'oeuvre de la mise en scène...