dimanche 31 mai 2020

Une (très) brève histoire de l'affiche et du programme...


Je l'avoue: je ne m'étais jamais vraiment posé la question à savoir d'où venaient ces traditions de l'affiche et des programmes au théâtre. 

C'est donc au détour d'une lecture en diagonale d'un livre numérique, Curiosités théâtrales anciennes et étrangères de Victor Fournel, paru en 1855, qu'une petite phrase a répondu à cette non-question!


Mais Cosme d'Oviédo reste pour le moins mystérieux. J'ai beau chercher, je ne trouve rien sur son compte sinon cette anecdote d'inventeur de l'affiche... Il restera donc - pour le moment du moins - un autre illustre inconnu!

(Sinon, le Dryden mentionné est, bien sûr, John Dryden.)

samedi 30 mai 2020

Superstitions d'artistes

Dans les coulisses de théâtre règne tout un monde de superstitions tenaces et charmantes: un tel refait toujours le même trajet exactement à la même heure... une telle s'habille et se maquille toujours dans le même ordre... un tel refait systématiquement tous ses déplacements... une telle fait toujours le même signe avant d'entrer en scène... un tel refuse de voir son costume se faire laver... une telle porte toujours sur elle un porte-bonheur... etc. À quel point sont-elles ancrées chez les interprètes? C'est assez étonnant!

De ces superstitions, j'en ai relevé de nombreuses déjà sur ce blogue... et il est possible de lire tous ces billets ici.



Radiomonde, du 29 juin 1946:

vendredi 29 mai 2020

Dans le chariot de Thespis

Timbre grec de 1966, commémorant le 2 500e anniversaire du théâtre (!)

Il y a quelques jours, j'ai fait référence, dans un billet portant sur l'origine possiblement égyptienne du théâtre (ici), disant qu'elle était occultée par le l'histoire grecque qui attribue cette fondation à un homme: Thespis.

Qu'en est-il alors de la version officielle?

Voici ce qu'en dit Léon Moussinac dans Le Théâtre - des origines à nos jours (la référence complète se trouve dans le billet que je viens de citer):

Il est de tradition d'attribuer à Thespis, venu d'Icarie vers le milieu du VIe siècle et arrivé à Athènes avec un chariot transportant ses accessoires (chariot qui lui servait le plus souvent de scène), les premières formes réelles du théâtre.  C'est que Thespis était vite devenu populaire dans les villes où il s'était produit et que sa réputation fut bientôt telle dans toute l'Attique qu'on fut obligé de le faire participer au programme des fêtes du concours de tragédie qu'avaient inauguré les Grandes Dionysies.

Au choeur, enrichi d'éléments divers, Thespis aurait ajouté, dans les intervalles du chant, des parties accessoires qui se distinguaient par l'intervention d'un mètre différent. Ce faisant, Thespis aurait substitué un acteur véritable à l'improvisateur qui remplissait précédemment ce rôle de façon nécessairement un peu hasardeuse. Dès lors, ces chants à une voix (monodies) ont pris le nom d'épisodes; ceux-ci ont constitué par la suite la partie essentielle de la tragédie. On prête encore à Thespis d'avoir substitué au masque primitif, le plus souvent taillé grossièrement dans une écorce, un masques de chiffons et de stuc peint, donnant aux personnages représentés non plus des traits monstrueux, mais une expression noble. Ainsi une telle traduction de la figure humaine aurait-elle contribué au passage du divin à l'humain dans la tragédie. 

Wikipédia (ici) y va d'autres détails: Thespis serait né vers 566 avant J.C et serait monté pour la première fois sur la scène en 534 avant J.C. (probablement le 23 novembre... quelle précision!)... 

Mais après toutes mes petites recherches, je reviens encore une fois vers le Dictionnaire encyclopédique du théâtre de Michel Corvin qui me semble encore le plus complet, le clair:

THESPIS (près de Marathon, Grèce, VIe siècle av.J.-C.). Tous les documents s'accordent à reconnaître en ce personnage qui débute dans la carrière vers 560 av. J.-C., l'inventeur de la tragédie grecque. C'est lui qui, le premier, a l'idée de donner un «répondant» (hypocritès) au choeur, créant ainsi l'amorce du dialogue dramatique. C'est lui également qui, le premier, introduit la fiction dramatique empruntée le plus souvent aux aventures des héros de la mythologie. Malgré les réticences de Solon, les représentations que donne Thespis dans les campagnes, au cours des fêtes dyonisiaques, avec pour seul équipement son chariot ambulant qui lui sert de scène, connaissent un vif succès. Le nouveau genre est reconnu officiellement par Pisistrate qui, vers 546 av. J.-C., organise le premier concours de tragédies aux Grandes Dionysies d'Athènes. Thespis, qui assume tous les emplois de poète, acteur, metteur en scène, obtient le premier prix avec un drame qu'il a composé et interprété lui-même. Nous n'avons conservé aucune oeuvre de Thespis, mais il semble avoir été un inventeur de génie dans des domaines aussi divers que la poésie dramatique, la musique, la chorégraphie, son talent de compositeur égalant celui de l'exécutant.

Pour terminer, voici une chanson, Le Chariot de Thespis, dont le texte serait peut-être de Jacques Prévert (à partir d'un extrait du Capitaine Fracasse de Théophile Gauthier, qui reprend l'idée du chariot ambulant transportant des comédiens).

jeudi 28 mai 2020

Défi des «10 productions marquantes»

Depuis quelques semaines, sur Facebook, le défi artiste/performance où il faut présenter 10 photos de soi, sans explication.

J'ai choisi de faire une variante: choisir dix productions marquantes (en faisant abstraction de toutes les autres!) mais surtout, expliquer pourquoi elles le sont sinon l'exercice me semble bien incomplet! 

Alors voilà:

1 - IPSO FACTO - COURTEPOINTE DÉSAMOUREUSE (Théâtre 100 Masques, mars 2001)


Loin d'être mon meilleur texte... mais cette production restera toujours marquante: c'est ma toute première mise en scène et mon tout premier projet avec le Théâtre 100 Masques que je venais de joindre à l'automne précédent.

2 - LE CHOEUR DU PENDU (Théâtre 100 Masques, octobre 2003)


De tous mes textes, l'un des plus satisfaisants. Qui coìncide aussi avec le début de ma maîtrise (bien qu'il n'y ait aucun lien). Un premier travail choral qui lance toute une exploration de ce mode théâtral qui reviendra à de nombreuses reprises!

3- AU BOUT DU FIL (Théâtre Mic Mac, avril 2004)


Ma première incursion au Théâtre Mic Mac... avec un texte étrange qui a donné, avec le recul, ma mise en scène la plus «expérimentale». C'est la pierre d'assise d'une relation avec un milieu théâtral qui a participé à mes plus belles expérimentations.

4- LES REINES (Théâtre Mic Mac, avril 2007)


Encore au Mic Mac, l'un des plus beaux défis - avec une magnifique équipe - sur l'un des plus beaux textes du répertoire québécois. C'est aussi la première fois que je me suis réellement attaqué à une oeuvre «sérieuse».

5- LA DÉFONCE (Théâtre Mic Mac, avril 2010)


Que dire que je n'ai déjà dit sur ce spectacle... C'est là l'expérience et la proposition la plus audacieuse, la plus grisante, la plus enrichissante, la plus troublante et la plus «sereine». L'impression d'avoir atteint un sommet. Et vivre depuis avec une forte nostalgie artistique et l'objectif de retoucher ce moment de grâce. 

6- L'ASSEMBLÉE DES FEMMES (Théâtre 100 Masques, juillet 2010)


Là aussi, d'une certaine façon, l'un des spectacles audacieux et des plus fous de ma liste... et un plaisir fantastique de plonger dans ce texte antique qui ne recule devant aucune grossièreté avec une distribution toute féminine!

7- ORPHÉE AUX ENFERS (SALR, février 2013)


Orphée marque le début de mon association avec la SALR qui durera quelques années. Première oeuvre lyrique, premier spectacle d'envergure (dans une esthétique que je trouve encore parmi les plus réussies), rencontres exceptionnelles avec des choristes, des solistes, des accompagnateurs, un chef d'orchestre!

8- LA FILLE DU TAMBOUR MAJOR (SALR, février 2014)


Un peu comme la précédente, cette production a surtout été marquée par des rencontres avec toute une équipe artistique! Que de plaisir en répétition! Un des spectacles où, comme metteur en scène, je me suis le plus amusé. Un spectacle bonbon! 

9- LE REVIZOR (Théâtre 100 Masques, juillet 2015)


Parfois, un texte comme celui-là trouve sa raison d'être dans un contexte qui accentue son déploiement. Un texte que j'ai longtemps lu, relu, travaillé pour permettre une production. Comme un aboutissement attendu. De beaux personnages! Et une distribution fantastique encore là. 

10- LES MAINS ANONYMES (Théâtre 100 Masques, novembre 2016)


Ah. C'est l'équivalent de La Défonce. L'impression d'avoir atteint un sommet littéraire (bon, il faut nuancer l'effet pompeux de la déclaration!) et une maîtrise de sa mise en scène. Puis l'interprétation en était magistrale. Une oeuvre que je reprendrais encore et encore et encore.


Voilà.

Mais encore une fois, je laisse de côté de nombreux autres projets qui m'ont stimulé d'une façon ou d'une autre et qui m'ont procuré de beaux moments artistiques.



mercredi 27 mai 2020

La fondation du théâtre, une affaire égyptienne?

En posant la question à tout venant d'où et quand a été inventé le théâtre, une réponse quasi unanime ressortira: de la Grèce antique. 

Tous s'entendent à peu près pour partir le compteur à ce moment. Même si tous s'entendent aussi que l'imitation dansée et chantée autour d'un feu - ancêtre préhistorique du théâtre - existe depuis que l'Homme existe.

Mais la Grèce de Thespis occulte peut-être un prédécesseur d'importance: l'Égypte ancienne!


On croit  pouvoir dire aujourd'hui que, mille ans avant la naissance de la tragédie grecque, et contrairement à ce qu'ont affirmé les Grecs eux-mêmes ainsi que les archéologues du XIXe siècle, l'Égypte aurait inventé le théâtre. En effet, jusqu'à la publication par Kurt Sethe, en 1928, d'un papyrus dramatique, sorte d'aide-mémoire d'un maître de cérémonies qui devait assurer l'organisation des mystères sacrés, la discussion ouverte autour des textes relatant le Mystère d'Osiris à Abydos, par exemple, avait permis de supposer que le théâtre proprement dit n'avait pas existé en Égypte. [...] Les découvertes récentes faites par le docteur Étienne Drioton, notamment d'une représentation de «ballet», puis celles, en 1942, par MM. Blackman et Fairman, de trois textes dramatiques accompagnant les bas-reliefs du temples d'Edfou, ont permis cette fois d'envisager une conclusion différente. De ces derniers textes, il a été possible de dégager des fragments dramatiques empruntés à des représentations très anciennes (probablement remontant à la XVIIIe ou à la XIXe dynastie [soit de -1550 à -1180]): 1- un drame sacré joué au moment de la Fête d'Horus [...] (le texte comporte des indications scéniques relatives au jeu des acteurs et révèle qu'il s'agit de représentations à grand spectacle avec décors, accessoires, acteurs nombreux, figuration, danses symboliques ou rituelles, ballets, etc.); 2- un drame de caractère moral, à intentions psychologiques, dans le genre de ceux qui mettaient en scène Isis (tel le drame Le drame d'Isis et des sept scorpions) «où les dieux étaient traités comme des humains, ainsi que plus tard les Grecs devaient faire dans leurs tragédies. Ces deux pièces, qui datent du Nouvel Empire [-1500 à -1100], sont en vers, alors que les plus anciennes sont en prose: elles comportent des choeurs. Mais on demeure ignorant des lieux et de la façon dont elles furent représentées (avec intermèdes, danses et musique?). En tout cas, elles semblent l'avoir été annuellement à Edfou, sur les rives du lac sacré, apparemment en dehors du temple, à l'occasion de grandes fêtes en l'honneur d'Horus. Elles comportaient certainement de nombreux tableaux.

Le théâtre égyptien était donc dominé par le caractère religieux, souvent rituel, mais se différenciait beaucoup des représentations religieuses d'essence mystique. On peut penser, selon les indications qu'on possède, qu'il avait même parfois un sens politique, affirmé essentiellement au sortir du temple.

Ce passage est tiré de l'ouvrage Le Théâtre - des origines à nos jours par Léon Moussinac, publié en 1957 chez Le Livre contemporain - Amiot et Dumont

Intéressant, comme remise en perspectives! 

Pour aller plus loin dans cette exploration des débuts égyptiens du théâtre qui nous sont beaucoup moins connus, voici deux autres articles:







mardi 26 mai 2020

Quand Phèdre perd des plumes pour en retrouver


Je crois encore que l'un des plus beaux textes français de la littérature dramatique est le Phèdre de Jean Racine, écrit et présenté en 1676-77.

Phèdre est, avec Médée, Hermione (dans Andromaque et non pas dans Harry Potter!) et Hedda Gabbler parmi mes personnages féminins préférés: toutes des femmes fortes et détruites tout à la fois. Passionnées et lucides. Terribles et cruelles pour elles-mêmes, pour les autres. Des abîmes de violence...

Bref, la lecture de ce texte classique durant ma première année de cégep a été une bougie d'allumage plutôt convaincante... 

Une histoire complexe. Phèdre, mariée à Thésée, adore d'un amour inextinguible (punition d'Aphrodite pour des antécédents familiaux), le fils de celui-ci, Hippolyte, qui lui-même aime Aricie, une prisonnière de son père, etc. Le tout, dans une langue ciselée, forte, monument du classicisme. 

Mais au final, outre la qualité des vers, qu'en est-il vraiment du caractère des personnages, de cet Hippolyte et de cette Aricie (qui sont relativement accessoires chez Racine)? Et pourquoi tout ce désastre?

Pour avoir une autre idée de la dynamique entre ces personnages, pour comprendre les caractères en présence et la situation, il faut retourner quelques siècles en arrière. 

Chez Euripide. 

Là, dans son Hippolyte porte-couronne, écrit en 428 avant Jésus-Christ (il aurait écrit un Hippolyte voilé aujourd'hui perdu,voir cet article), se dresse tout à coup un jeune homme fougueux, qui se réclame d'une pureté charnelle, qui n'a d'égard que pour Diane, la déesse de la chasse, méprisant les jeux sensuels d'Aphrodite. Et il y a Phèdre, la belle-mère dont la famille est maudite par ses intrigues amoureuses, en pâmoison devant le bellâtre. Les deux deviennent, pour la déesse de l'Amour, des instruments de vengeance et les déesses en cause prennent position et interviennent et font des pauvres humains des jouets pathétiques. Un jeu d'échec infernal. Dans cette version, pas d'Aricie (qui contrevient, en un sens, à la matière brute et fatale que doit être Hippolyte). Que la vertu versus la passion. Que l'arrogance versus la résignation. Les attaques sont incisives. Les coups portent profondément. Les personnages ont une toute autre dimension.

Après être passer chez le Grec, il faut faire un détour par le Latin. 

Chez Sénèque. 

Pas qu'il soit meilleur, mais bien parce qu'il donne une version un peu différente qui éclaire autrement cette histoire. Car lui aussi se commet dans une tragédie, Phèdre (ou Hippolyte, c'est selon...) écrit quelque part au cours du premier siècle après Jésus-Christ. 

Si dans l'ensemble, il garde le même schéma qu'Euripide, les mêmes caractères (avec encore l'absence d'Aricie), il développe surtout le tourment de Phèdre et de son aveu, son lien avec Thésée.

D'une version à l'autre (Euripide-Sénèque-Racine), il est fort fascinant de voir les partis pris... de voir comment le récit évolue, de voir comment les personnages se contruisent, se refondent. Et surtout, quand on revient dans la beauté qu'est le texte classique, de multiples échos se retrouvent au détour de chaque vers...

Conclusion... D'un point de vue littéraire, Racine, sans aucun doute... quoique. Mais d'un point de vue ramatique, Euripide.

dimanche 24 mai 2020

Snobs ou grand public?

Le théâtre... art populaire ou art d'élite? C'est là une grande question qui a souvent été débattue et qui, d'une certaine façon, se pose encore. 

Elle était particulièrement présente, dans les journaux de l'époque des années '30 qui verrait la véritable professionnalisation du théâtre (avec l'arrivée des Compagnons de St-Laurent et de Gratien Gélinas). Qui veut-on dans les salles? Qui dicte les choix? 

Le Droit, en ce 16 mars 1936, répond, par la voix de  son journaliste Gérard Dagenais, à La Presse (et ce faisant, à Jean Béraud) qui déplore le remplacement du grand public par les snobs:

samedi 23 mai 2020

Ouille... un autre critique (méchante) sur Sarah Bernhardt!



Certains trouveront peut-être que je reviens souvent à Sarah Bernhardt... mais je l'assume! Elle est l'une des plus grandes figures du théâtre et les anecdotes à son sujet sont quasi infinies! Mais elle n'était pas qu'adulée. Loin s'en faut! Toute sa vie, de nombreux détracteurs se sont acharnés à la rabaisser, à la dépeindre en harpie du théâtre, en croqueuse d'homme, en adortatrice de l'argent. Sa voix est passée à la moulinette... et que dire aussi de son corps filiforme, souvent travesti dans des rôles d'hommes! De nombreuses caricatures d'elle peuvent être vues sur Google Images (ici).

Des pamphlets ont été écrits. Des biographies grossières rédigées. Des articles publiés. 

Comme celui ci paru dans le très catholique journal La Croix, en ce 9 novembre 1910, pour vilipender une autre dernière tournée de Sarah au Québec (mais si je ne me trompe pas, elle reviendra encore deux fois par la suite... son dernier passage étant en 1916). Un article plutôt violent, méchant... avec un bon soupçon d'antisémitisme:


Le pauvre chroniqueur avait dû se lever de mauvais poil ce matin-là pour tremper autant sa plume dans le vitriol... 

jeudi 21 mai 2020

Une définition du metteur en scène


Alors que la plus que grande majorité des activités théâtrales est au point mort, il ne reste (mais c'est en soi tout un programme!) que la lecture... et la conception de multiples projets qui demanderont trois vies lors de la reprise! 

Mais je reviens à la lecture. 

Parfois, en grappillant de livres en livres dans ma bibliothèque, je retombe sur des passages que j'avais noté, que j'avais marqué parce qu'ils me parlent. Comme ce survol (tiré du petit bouquin qui illustre ce billet) de ce qu'est faire de la mise en scène:

Mon travail de metteur en scène est identifiable. Je poursuis une écriture de spectacle en spectacle depuis trente ans. Je me suis constitué un vocabulaire, que j'approfondis ou diversifie. Je reprends parfois un chapitre abandonné quelques années plus tôt pour le traduire d'une autre manière. J'enrichis le tableau de nuances différentes et , quelques fois, tenté par de nouvelles expériences, je déborde littéralement du cadre pour «peindre dans l'air», mais toujours à partir d'une palette de couleur fondamentale. 

[...] C'est uniquement sur la longue durée qu'un socle commun à chaque spectacle peut se constituer. C'est en travaillant sur le long terme avec les mêmes acteurs que des principes ont été fixés, que des techniques ont été élaborées et qu'un langage est né, dans et par la constitution de cette communauté de travail.

[...] Le metteur en scène s'apparente [au peintre, à l'écrivain, au chorégraphe] comme il emprunte aussi au géographe et au guide de montagne: il a cartographié un territoire inconnu dont il conduit l'exploration en traçant le chemin, au besoin, par son propre corps. Ce n'est pas une voix cachée dans le noir, mais un débroussailleur, un démineur. Au coeur d'un territoire parfois hostile, il prépare le feu, ou plutôt, il est aussi ce feu qui se consume tout en éclairant les autres. Il incarne cette incandescence, ce foyer toujours brûlant auprès duquel les acteurs viennent se réchauffer et se nourrir. Susciter le désir d'incandescence implique d'être soi-même incandescent. Lors de ce voyage où il entraîne les acteurs, le metteur en scène apprend à voir à la fois de loin et de près et, parfois, il lui faut devenir aveugle pour mieux entendre. Il ne tend pas seulement l'oreille pour atteindre la justesse du texte, mais pour percevoir tout ce qui se passe autour: des comédiens qui parlent depuis les loges ou les coulisses, tout bruit anodin susceptible d'être bénéfique ou néfaste pour le travail. Pour se faire entendre de sa troupe, il incombe aussi au metteur en scène de trouver les gestes et la langue. Cet apprentissage de la parole et des gestes destinés à l'autre est probablement la plus difficile des tâches.

J'aime bien cette définition de Lacascade: le long terme, la constitution d'un vocabulaire propre qui s'approfondit, l'idée de la communauté de travail...

Il faudrait, un jour, que je relise mon mémoire de maîtrise (qui était un précis de mise en scène) et que je refasse, comme un temps d'arrêt sur l'image, l'exercice de définir ma propre vision, mon mode de fonctionnement, mes objectifs...


mercredi 20 mai 2020

Une brève histoire référendaire...



Il y a 40 ans aujourd'hui, les Québécois disaient non, pour la première fois, par référendum, au projet d'indépendance. Par crainte. Par foi en un fédéralisme renouvelé. Par conviction aussi.

Ce bien triste souvenir marque l'aboutissement (enfin, il serait plus juste de parler d'écrasement) d'une fabuleuse époque théâtrale au Québec: celle des années '70. C'est celle du théâtre populaire. De l'omniprésence du théâtre amateur, du théâtre communautaire. De la création collective. Du théâtre identitaire. Nationaliste. Du théâtre engagé. Du théâtre féministe. Du théâtre social. De partout (re)naît le théâtre québécois. Fécond.  Bouillant. Polymorphe. Revendicateur. 

En marche vers la souveraineté politique. Une émulation intense. Fébrile. Il faut dire qu'une grande partie du milieu culturel avait pris le train du rêve d'un pays à construire. Les artistes étaient partout.

Puis survient la défaite référendaire. Brutale. Et ses suites à la Trudeau. Le tout, sur fond de grave récession. De quoi foutre le cafard, de plonger dans une dépression générale.

Dans tous les livres d'histoire du théâtre au Québec, il y a un avant (que je viens de fort brièvement décrire) et un après. Un après composé d'une amère déception, d'une désillusion qui se développera en un certain désintérêt du collectif, d'un  désengagement politique. Quelque chose s'est cassé.

Après une décennie vécue à toute vapeur, le milieu théâtral passera à une autre étape. Il reprend son souffle, se questionne. Quelques mois à peine après l'échec seront convoqués, en novembre, les premiers États généraux sur le théâtre.

Cette décennie qui s'amorce de la sorte - et qui sera porteuse, en son genre, d'une infinie richesse - verra une profonde transformation du théâtre et du monde qui l'entoure! Cette époque marquera le retour aux classiques. Elle marquera aussi, pour le théâtre d'ici, le retour au premier plan des auteurs et du metteur en scène. La langue - élément identitaire s'il en est un - sera délaissée en tant qu'outil de combat pour revenir dans un champ résolument plus littéraire et poétique,  questionnant la place de l'artiste dans la société. D'une inscription dans un monde collectif les années précédentes, les oeuvres à venir seront campées dans un monde intérieur individualisé. Un peu comme un repli nécessaire.

Peu à peu, une nouvelle génération s'imposera dans toutes les sphères de l'activité théâtrale: auteurs (tels que Normand Chaurette, Michel-Marc-Bouchard, René-Daniel Dubois), metteurs en scène (Lorainne Pintal, René-Richard Cyr, Serge Denoncourt, Claude Poissant, etc.), concepteurs, comédiens. 

Qu'en aurait-il été si le oui l'avait emporté? Nous ne le saurons jamais. Une chose reste indéniable: ce moment - tout décevant qu'il soit - reste une charnière importante dans notre histoire.

mardi 19 mai 2020

Donne-moi un p'tit bec


En ces temps pandémiques, il sera long - on l'a déjà dit de différentes façons - avant que de voir deux artistes s'embrasser sur scène et à l'écran. Peut-être même sera-ce un geste oublié... qui sait. Une règle non-écrite: pas de véritables baisers! 

Et peut-être cela occasionnera-t-il des incidents comme cette petite histoire rapportée par La Gazette de Sorel du 22 août 1876!



lundi 18 mai 2020

Retour vers le futur du théâtre

Le 2 janvier 1971, le bureau de rédaction de La Presse a donné à son équipe une consigne peu banale: pour marquer la nouvelle année, chaque chroniqueur en art devait se projeter 41 ans plus tard... soit en 2012! Pourquoi 41 ans précisément? Rien n'indique ce choix.


Voici donc comment, en 1971, le chroniqueur théâtral Martial Dassylva entrevoyait l'évolution de l'art dramatique:


Je vous invite, par ailleurs, à consulter, pour le simple plaisir de juger de ces devins de l'art-fiction, ce cahier spécial Arts et Lettres (ici)!

dimanche 17 mai 2020

Procès retentissant pour «Équation pour un homme actuel»

J'aime beaucoup chercher, dans l'histoire théâtrale québécoise, ces spectacles, ces artistes qui ont fait scandale. Le XIXe siècle et le début du XXe en sont remplis. Puis on pense que le temps fait évoluer la société et que les questions de moralités sont passées de mode... Eh bien non.

L'un des plus retentissants cas (du moins par son rayonnement dans les journaux et les nombreux articles) date de 1967.

J'ai déjà abordé, sur ce blogue (ici), la petite histoire des Saltimbanques, invités à présenter une pièce expérimentale au Pavillon de la Jeunesse dans le cadre de l'Exposition universelle... mais qui ont vu débarquer l'Escouade de la moralité en plein milieu d'une représentation pour arrêté les comédiens, sur plaintes de spectateurs!


La pièce, Équation pour un homme actuel, générée par ordinateur (un CDC-3400 du Centre de Calcul de l'Université de Montréal) et, réécrite par Pierre Moretti (pour avoir une meilleure idée du spectacle, reportez-vous à cet article de Jeu), se composait de 18 tableaux. Et c'est le neuvième, Érotomanies, qui a été l'objet d'un scandale.


Les comédiens sont donc cités à procès. Et c'est là que ça devient intéressant. Après quelques articles qui décrivent l'arrestation en question, viennent ceux des témoins qui comparaissent et qui donne les raisons du scandale. (La suite sera un peu longue, mais la lecture est fort distrayante!)

La Presse du 7 novembre 1967 relate les témoignages des plaignantes et des policiers:



Le même journal, le 15 novembre 1967, revient sur la comparution du metteur en scène et des artistes de la pièce:




Enfin - et j'omets ici plusieurs autres artistes - viennent les experts en théâtre tel que mentionné juste au dessus de cette phrase avec des témoignages cinglants qui seront rapportés par le journal le 9 janvier 1968 (et il faut lire le compte-rendu pour comprendre la caricature!):


Voilà. La troupe perdra le procès en première instance, ira en cour d'appel qui cassera le jugement (La Presse, 10 avril 1968):


samedi 16 mai 2020

Rêver la formation théâtrale au Saguenay

Il est permis de rêver...

La question de la formation plus poussée en art dramatique se posera de plus en plus dans le milieu théâtral régional qui voit, depuis quelques années, une raréfaction de la relève (qui coïncide avec l'abandon, il y a déjà bien du temps, d'un programme axé sur l'interprétation au Cégep de Jonquière et avec un programme interdisciplinaire en art et en théâtre à l'UQAC qui subit une baisse drastique d'inscription et qui vise surtout la formation d'artistes-chercheur).

Un besoin de renouvellement se fait déjà grandement sentir quand vient le temps de faire des distributions. Comment pourrions-nous répondre à ce besoin?

Ce qu'il manque à mon avis? Une formation résolument disciplinaire, sur le territoire, axée sur quatres objectifs d'apprentissage: la connaissance générale, la connaissance spécifique, les techniques, la pratique. 

Voici un petit exercice de réflexion sur ce qu'un étudiant en art dramatique devrait, selon moi, avoir comme parcours. J'imagine une formation sur une année et demie, intensive (qui pourrait être - je ne connais absolument pas les conditions administratives et logistiques - un programme collégial, un certificat universitaire, voire même un programme court au Conservatoire de musique et d'art dramatique de Chicoutimi). Une formation qui pourrait s'articuler de la sorte:

En matière de connaissance générales (afin qu'il puisse se positionner, connaître l'évolution du théâtre, les repères historiques, les grands courants):
  • Histoire du théâtre - de l'Antiquité à aujourd'hui (cours magistral)
  • Histoire du théâtre au Québec - de la Nouvelle-France à aujourd'hui (cours magistral)
En matière de connaissances spécifiques au théâtre (afin d'approfondir les connaissances générales par une pratique réflexive et critique):
  • Théories de la mise en scène - pour comprendre les différentes façons d'aborder l'espace, le jeu, le public (séminaire)
  • Lectures en théâtre - pour donner un panorama du répertoire d'ici et d'ailleurs, ancien comme contemporain (séminaire)
  • Analyse de spectacles - pour décortiquer les différents aspects d'une production - traditionnelles, expérimentales, contemporaines - et aiguiser le regard critique (séminaire)
En matières de techniques (afin d'expérimenter diverses techniques, avec une approche contemporaine, et ainsi mieux outiller l'interprétation)
  • Voix, diction, respiration - pour préparer le jeu (atelier)
  • Jeu comique - pour développer la création de personnages comiques par l'analyse et la compréhension des textes et par différentes approches techniques (atelier)
  • Jeu dramatique - pour développer la création de personnages comiques par l'analyse et la compréhension des textes et par différentes approches techniques (atelier)
  • Manipulation - pour apprendre à maîtriser la marionnette, l'objet, l'accessoire (atelier)
  • Techniques de scène - pour comprendre le fonctionnement de la technique et son apport à la création (atelier)
Ces trois premiers blocs pourraient s'échelonner sur une première année. Suivrait, la session suivante, la dernière partie qui mettrait en pratique les connaissances dans deux productions majeures:
  • Production - registre comique
  • Production - regristre dramatique
Dans un monde idéal, cette formation  (contingentée avec admission sur auditions) serait conjuguée à un plan d'entraînement continu pour développer la force, la souplesse, l'aisance du corps.

Quel beau rêve, non? Maintenant, après le rêve, la réalité... 

À quoi bon former une relève si le milieu ne peut l'absorber, l'accueillir? Serait-il vain et irresponsable de promettre une voie professionnelle qui ne pourrait que bien difficilement être viable? Il y a un réel risque de saturation... de comédiens, de projets, de compagnies. Mais qui ne risque rien...

Peut-être pourrait-il y avoir un cohorte de 6 étudiants à chaque 2 ou même 3 ans? En quel cas aucune institution ne voudrait, j'imagine, mettre en place un tel projet... Pourrait-il alors être envisageable de mettre sur pied quelque chose comme une Académie théâtrale saguenéenne? 

Peut-être une telle formation pourrait-elle servir d'autres milieux régionaux? Oui, les écoles de théâtre existent déjà dans les grands centres. Les gens quittent les régions pour les suivre... mais peu reviennent s'installer dans ces milieux où les opportunités sont moins nombreuses. D'où peut-être l'intérêt d'une formation décentralisée, justement. 

Quoi qu'il en soit, la formation reste un élément essentiel de notre professionnalisation, de notre continuité, de notre dynamisme. Et un coup de barre devra, un jour ou l'autre, être donné.

vendredi 15 mai 2020

Théâtre et fascisme... drôle d'appel!

Parcourir les archives de BaNQ  que je fais depuis plusieurs mois déjà, à travers les méandre de la mémoire journalistique du théâtre - c'est parfois tomber sur des petits morceaux étonnants. Comme la chronique suivante, publiée dans La Presse, le 4 juillet 1936, par Jean Béraud. 

Il faut savoir que Béraud est une grande personnalité des années 20-30 et 40 au Québec (petite biographie ici), auteur de deux ouvrages importants: Initiation à l'art dramatique (dans lequel il réclame une formation digne de ce nom et la constitution d'un véritable théâtre national) et 350 ans de théâtre au Canada. Sa position de chroniqueur à La Presse lui donne une vue d'ensemble sur le milieu théâtral d'alors, tant ici qu'ailleurs dans le monde. 


Avec nos yeux contemporains, cependant , il l'a peut-être échappé cette fois-là (même en se rappelant qu'il a rédigé ceci trois ans avant le début de la seconde guerre mondiale):


Il cherchait probablement un punch pour terminer son papier... Avec le recul, cet appel résonne d'une bien drôle de manière!

jeudi 14 mai 2020

La première représentation en Amérique du Nord

Quand on étudie l'histoire du théâtre au Québec, on place le premier jalon théâtral de la Nouvelle-France en 1606, à Port-Royal en Acadie. C'est là, en effet, que Marc Lescarbot (que Wikipédia qualifie d'érudit, avocat, voyageur, écrivain et courtisan) présente, en l'honneur de l'explorateur Poutrincourt, Le Théâtre de Neptune en la Nouvelle France (un peu plus de détails ici), souvent présenté comme étant la première représentation donnée en Amérique.

Peut-être serait-il plus juste de spécifier la première représentation en français... parce qu'il semblerait que d'autres manifestations théâtrales l'auraient précédée:

C'est extrait est tiré d'un fort bon article (ici) d'André-Gilles Bourassa, Scènes de Nouvelle-France: 1535
publié dans le no.33, printemps 2003, de L'Annuaire Théâtral

Ce n'est donc pas en français, mais en espagnol que les premières manifestations scéniques auraient eu lieu en terres américaines! 

mercredi 13 mai 2020

Question de hiérarchisation

Voici un article paru le 23 juin 1973, dans l'édition saguenéen du journal Le Soleil au ton quand même un peu condescendant:


Il s'agit là des derniers feux du burlesque... ce grand genre historique au Québec, qui a fait sa marque des années 20 aux années 60. Les spectacle au National... puis au Théâtre des Variétés... puis les grandes tournées de Jean Grimaldi (et d'autres aussi).

Mais ce que je trouve intéressant dans cet article, c'est le ton du journaliste et ce que tout ça sous-tend: sa réjouissance - au détriment d'artisans engagés - est manifeste.

Il y a toujours eu, dans le monde du théâtre, une hiérarchisation des formes : tragédie contre comédie à la période classique... drame contre vaudeville dans la période romantique... mais sinon, plus près de nous, théâtre professionnel contre théâtre amateur... théâtre en saison contre théâtre d'été... la création contre le répertoire... ou, comme dans le cas présent, théâtre intelligent contre burlesque pauvre... le bon contre le mauvais... etc. 

Ces jugements de valeur sont comme un mode de fonctionnement intrinsèque au milieu (en sommes-nous vraiment dépourvu aujourd'hui?): ou on regarde de haut, ou on  se sent victime de préjugés... C'est comme un champ de mines.

Mais au final, n'est-ce pas tout ça qui forme le Théâtre?

mardi 12 mai 2020

Les misères d'une égérie du Grand Guignol


Entre les années 1917 et 1933, c'est elle qu'on venait voir au Grand Guignol. C'est elle qu'on surnommait la Sarah Bernhardt de l'impasse Chaptal (c'est la rue du théâtre, à Paris) ou encore la Rachel de tous les martyres! C'est à elle qu'on a octroyé le titre de la femme la plus assassinée du monde


Elle s'appelle Paula Maxa (de son vrai nom, Marie-Thérèse Beau). Elle était la victime vedette de ce théâtre d'horreur, d'angoisse et d'extrême en ce début du XXe siècle (voir ici les quelques billets écrits sur ce genre particulier). 

Maxa joue ses rôles comme elle porterait une croix et la torture est pour elle une vieille habitude. Une table d'opération n'est, à ses yeux, qu'une joujou, et la guillotine qu'un divertissement d'où l'on revient, en ayant encore dans le regard, le reflet du petit panier accueillant.

Ces mots sont d'un courriériste de l'époque (tirés de Grand Guignol de François Rivière et Gabrielle Wittkop publié en 1979). Un autre y va d'un portrait beaucoup plus expressionniste... peut-être plus en phase avec ce qu'impose être l'égérie d'un genre sanglant: 

On n'ignore pas toutes les avanies qu'eut à subir, au cours de sa courte mais déjà glorieuse carrière, la charmante artiste. Coupée en quatre-vingt-treize morceaux par un poignard espagnol invisible; recollée en deux secondes au moyen de la Sécotine par un disciple de Bénévol; réduite en panade par un rouleau à vapeur, éventrée par un commis voyageur d'une maison de décollation qui lui chipe ses intestins; fusillée, écartelée, brûlée vive, dévorée par un puma, crucifiée, révolvérisée, poignardée, violée, elle est malgré tout, agréable et rieuse.

C'est là tout un programme! 

Michel Corvin, dans son Dictionnaire encyclopédique du théâtre complète ce portrait et donne les quelques informations suivantes:

Maxa (1898-1971). La plus célèbre des actrices du Grand Guignol. Après ses débuts dans le théâtre de Boulevard, c'est avec Le poisson noir de Jean Bernac d'après Edgar Allan Poe - et dans les meilleures conditions: musique de Debussy, robe de Poiret - qu'elle fait sa véritable entrée dans la carrière grand-guignolesque. [...] Elle est de toutes les distributions, depuis Le baiser dans la nuit de Level jusqu'au Château de la mort lente de Lorde. En 1938, elle est renvoyée du «temple de l'horreur» par le nouveau directeur qui craignait qu'elle ne lui fasse de l'ombre. 

lundi 11 mai 2020

«Une pièce pour une piasse!»

Que vaut une pièce de théâtre? Comment fixer un juste prix à l'entrée? À chaque fois - dans mon cas, du moins... mais j'imagine fort bien mes collègues dans la même galère - tout un lot de questions entrent en ligne de compte: est-ce trop cher? pas assez? est-ce convenable? crédible? cohérent? justifiable? 

C'est dans cette veine qu'il faut aborder le prochain article. Car voilà une curieuse anecdote rapportée dans l'édition du 10 février 1970 du Soleil Saguenay-Lac-Saint-Jean:


Le théâtre est toujours trop cher pour certains!

Que diraient-ils, ces manifestants, devant les billets d'aujourd'hui qui peuvent se détailler à 20, 30, 50 voire même 80$? Nous leur donnerions assurément une riche matière pour une vraie contestation de guichet

Mais au final, y a-t-il encore des gens pour plaider ce genre de revendication? Le théâtre populaire, disponible pour tous, n'est-il plus qu'un mythe? J'envie presque la Comédienne Canadienne d'avoir eu à gérer une telle situation...

dimanche 10 mai 2020

Où en sommes-nous rendus?

Parfois je me demande si le milieu théâtral d'ici n'était pas mûr pour avoir une association en bonne et due forme. Un regroupement régional qui pourrait donner à ce dit milieu une voix forte auprès des différentes instances. Un réseau quoi... 

  • Un réseau capable d'être le porte-parole de ses membres;
  • un réseau capable de défendre les revendications et les aspirations du milieu;
  • un réseau capable de signifier une existence dynamique hors des grands centres;
  • un réseau capable de dresser et faire valoir son portrait tant social qu'économique;
  • un réseau capable de se faire courroie de transmissions des informations majeures.

Bien sûr, notre petite histoire est pleine de ce genre d'initiatives (et toujours en vain). Dans les années '60. Dans les années '70 (j'en ai parlé ici, d'ailleurs). Dans les années '80. Plusieurs personnes encore s'en souviennent et sont peut-être même échaudées.

Bien sûr, des associations disciplinaires existent déjà au niveau national (dont les CQT et l'ACT) avec les mêmes objectifs que cités précédemment. Toutefois, peuvent-ils représenter notre territoire avec ses besoin précis?

Bien sûr, depuis 2003, il y a le groupe de compétence en théâtre du CRC qui rassemble, avec ouverture, artistes et organismes pour discuter, notamment, de concertation. De nombreux projets ont émané de cette structure. Mais ça reste un lieu de rencontre volontaire.

Alors, sommes-nous bien organisés, comme milieu, pour faire face à ce qui se dresse devant nous?

Les réalités et les besoins diffèrent d'un organismes à l'autre, c'est vrai. Mais il me semble que de bons défis collectifs nous attendent et que nous connaissons déjà, pour la plupart... que ce soit au plan de la formation qui s'amenuise, de la constitution d'une relève (artistique et administrative) qui tarde, des espaces de travail (bureaux, salles de répétitions et de représentations) qui manquent, du financement qui se raréfie. Et bien sûr, se pose toujours de manière lancinante le problème de la promotion et de la reconnaissance du milieu théâtral dans la population en général en ces temps où les médias eux-même sont mis à mal...

Et ici, notez que je fais fi des problèmes posés par la reprise qui viendra dans quelques semaines, quelques mois... 

Mon questionnement est donc simple: comment parviendrons-nous à nous atteler à toutes ces tâches (osons le mot cliché: titanesques) sans donner un coup de barre dans notre écosystème?

samedi 9 mai 2020

Quand la transformation vertueuse du théâtre repose sur les femmes!

Comme le théâtre a été malmené dans ce XIXe siècle! Tous les journaux de l'époque - presque sans exception - s'acharnent sur lui. Les publications à fortes connotations religieuses (voire même ultra-conservatrices) à celles plus libérales. 

Le 4 juin 1898, le quotidien Le Soleil y va d'une charge à fond de train contre le théâtre immoral et met, sur les épaules des femmes - spectatrices comme comédiennes - la tâche de transformer cet art vicieux par des actions concrètes. Mais est-ce illusoire de penser que le théâtre - asile du vice comme il est spécifié en début d'article - est réformable?

Pour donner du poids à son argumentaire, il donne, pour l'illustration, un exemple américain:


Voilà. Tout est dit: faisons des efforts... même vertueux, le théâtre n'est source de que malheures et de problèmes! Encore étonnant que les arts de la scènes aient réussi à perdurer devant autant d'acharnement.

Maintenant, qui sont les protagonistes de ce petit récit...

Peut-être est-il question d'Helena Modjeska (1840-1909), actrice polonaise émigrée aux États-Unis en 1876 (et voici sa biographie wikipédienne)?


Du directeur, du théâtre et même du Louisville en question, difficile de bien les situer avec si peu de détails...

Quant à l'auteur cité, il y a bien un dramaturge nommé Berquin... alors peut-être serait-ce Arnaud Berquin (1747-1791), écrivain français (et voici sa biographie wikipédienne)? 


vendredi 8 mai 2020

Des expositions virtuelles autour du théâtre!

En cherchant des sujets pour ce blogues, j'ai eu l'idée de dresser une liste (absolument pas exhaustive!) de différentes offres d'exposition virtuelles portant sur le théâtre. Alors ce matin, peu de texte mais bien des choses à visiter!

Voici donc ce que j'ai glané en quelques clics (si vous connaissez d'autres sites du genre, vous pouvez les placer dans les commentaires):


Place au théâtre! - Une exposition virtuelle présentée par l'UQAM sur l'histoire du théâtre, de grandes troupes, etc. Voici le plan de l'exposition:


Expositions virtuelles de la Société d'histoire du Théâtre (dont j'ai déjà parlé ici).

Expositions virtuelles des Archives de Montréal dont celle-ci: La Roulotte, un demi-siècle de magie! (sur cette compagnie qui se promène dans les Parcs de la métropole depuis les années '50).

Expositions virtuelles de la Comédie-Française, dont les sujets abordés sont les suivants:



jeudi 7 mai 2020

ZOOMÉ.E.S - Événement théâtral et performatif en confinement


C'est aujourd'hui qu'a lieu la première (de deux) représentation de Zoomé.e.s - Événement théâtral et performatif en confinement des étudiants en Atelier de création de l'UQAC dont j'avais la responsabilité. 

Une session qui, après coup, semble une éternité. Avec un avant et un après... (petit résumé ici).

Un étrange contexte de travail qui, bien qu'il puisse attiser la créativité, impose aussi ses limites. Dans l'accompagnement. Dans le rendu technique (surtout avec les moyens dont chacun dispose dans son lieu où il est retiré). Dans la stimulation du groupe. Dans le manque de regard extérieur alors que l'artiste créateur est sujet, objet et directeur de son propre projet.

Ces projets commandent tous un autre rapport à l'espace, un autre rapport au public en introduisant un  nouvel élément: un rapport intime à la lentille...

Et pourtant. Ils ont produit! Quatre solos. Trois duos. Un trio. En peu de temps. À travers les bouleversements sociaux, les déménagements, les retours en Europe, la distance, l'absence générale de matériel adéquat (comme des micros, des caméras HD ou tout simplement d'une salle!) ou de soutien à la création (de l'aide technique sur place... parce qu'ils ont quand même pu bénéficier des compétences d'Alexandre Nadeau tout au long de leur processus pour la mise en ligne).

Ils ont créé des performances qui leur ressemblent, avec leurs préoccupations, leurs intérêts. Avec un thème commun: le confinement. De la discussion philosophique relevée au manifeste et au témoignage. De la confidence à la science-fiction. De la tension conjugale à l'attente du punch. Du défoulement verbal au défoulement corporel. Les propositions sont variées, ébauchant des éléments qui auraient pu, dans un monde idéal, avoir une autre envergure, peut-être, mais qui démontrent surtout une force créatrice, un engagement face aux contraintes, une vision du monde. 

Merde à eux!

mercredi 6 mai 2020

La première représentation du Théâtre du Coteau

Parmi les troupes historiques du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a ce mythique Théâtre du Coteau, fondé et animée par Ghislain Bouchard (celui de la Fabuleuse histoire d'un Royaume et des grands spectacles) entre 1956 et 1962. 

Quand cette troupe mettra fin à ses activités, une nouvelle prendra sa place avec un succès retentissant: La Marmite

Mais revenons au sujet de ce billet. 

Le Théâtre du Coteau a donc donné sa première représentation le 7 juin 1956, ainsi que le rapporte, quelques jours auparavant, le Progrès du Saguenay:



L'une des choses qui m'a intéressé, dans cet article d'il y a 64 ans, c'est le nom du scénographe: Jacques Coutu, architecte. (Encore une fois, je déborde un peu du théâtre...)

Cette époque (les années 40-50-60) a été, dans le domaine de la construction, riche en grands hommes. Parmi eux, Coutu. Il sera le maître d'oeuvre de plusieurs édifices marquants sur le territoire régional (notamment spécialiste des établissements scolaires):


Malheureusement, de cette première représentation, je n'ai pas d'image pour voir ce que la vision combinée de Bouchard et Coutu a pu donner...