Alexandre Taïrov et son épouse, Alisa Koonen, plaque de bronze, Moscou
Ce qui est fascinant avec les grands metteurs en scène de ce foisonnant début de vingtième siècle, c'est que ces praticiens se sont aussi faits théoriciens et ont noircis des centaines de pages de réflexions, de questionnements, de tentatives de cerner les points essentiels d'un théâtre alors chaotique, mouvant et polymorphe.
Qui plus est, l'arrivée de ces grands artistes coïncide également avec la naissance de cette fonction aujourd'hui essentielle: le metteur en scène.
Encore une fois - parce que c'est mon livre de chevet depuis quelques temps - voici comment Taïrov définit ce nouveau rôle (dans Le Théâtre libéré, p.71):
L'art du théâtre est l'art de l'action. Il est incarné sur scène par un «être agissant», c'est-à-dire l'acteur qui porte ainsi l'art théâtral à lui seul, et en est le maître absolu. [Malgré ses positions pour la mise en scène, il ne dérogera jamais de ce credo à propos de l'acteur.]
Quel rôle revient alors au metteur en scène dans le théâtre, en quoi consistent ses fonctions, en quoi est-il nécessaire?
L'art du théâtre est un art collectif.
L'action scénique résulte de conflits qui mûrissent tandis qu'elle se déroule; elle est le fruit des relations et des frictions entre les «êtres agissants»; qu'il s'agisse d'individus ou de groupes.
Pour que ces conflits n'aient pas un caractère accidentel, pour que l'action scénique ne s'abandonne pas au chaos, mais suive des règles, pour qu'elle évite le disparate dans les formes et leur prête une alternance équilibrée, en bref, pour qu'elle constitue une oeuvre monolithique de l'art théâtral, il faut manifestement quelqu'un dont ce soit l'ambition artistique, quelqu'un qui ordonne et dirige les conflits, qui les affaiblisse, les aiguise, les supprime, les forme, pour conduire toute l'action à un conclusion cohérente.
Ce «quelqu'un», c'est le metteur en scène.
Quelle est la bonne définition entre celle-ci, celle de Meyerhold, d'Antoine, de Stanislawski, Piscator, Brecht, etc? Probablement une synthèse de toutes celles-là...