Suite à son billet, Le blues du guichet, publié sur le blogue de La Rubrique, Stéphane Boivin (directeur des communications... ou un titre de ce genre...) a reçu des commentaires... et c'est toujours agréable d'avoir des réactions. Mais parfois un peu frustrants quand ceux-ci demeurent anonymes. Surtout pour émettre une opinion négative. L'anonymat sur le web est un droit, peut-être... mais il est un peu couard de se cacher pour dire les choses qu'on n'ose dire en face (ou du moins, sous sa propre signature).
Ceci étant dit, Boivin, l'auteur du billet, revient aujourd'hui avec une suite au billet précédemment nommé pour une mise au point et une envolée sur la critique. Envolée que je partage... depuis déjà plusieurs années! La voici... avec son aimable autorisation:
Dans ce contexte périlleux où beaucoup reste à
accomplir pour faire entrer le théâtre dans les moeurs, les journalistes
locaux, qui parfois acceptent de porter le lourd fardeau de critiques
(« Épais sur le dos! » dirait numéro 5 dans Une heure avant),
jouent un rôle ambigu. Ils travaillent pour des médias généralistes et
clairement leur fonction n’est pas celle de l’auteur spécialisé. De plus
nos journalistes ne peuvent pas ne pas savoir que tellement de gens
sont à convaincre, à partir de loin, que le théâtre est un art qui peut
les rejoindre, et qu’il vaut la peine qu’on lui donne quelques chances
de nous séduire. Il savent bien la portée de ce qu’ils écrieront ou
diront sur le sort d’un spectacle et éventuellement d’une compagnie.
Malgré cela, Une heure avant n’a pas été
épargné par la critique. Parmi toutes les plateformes et moyens de
communications utilisés, deux apparitions médiatiques seulement ont eu
une teneur critique. Une positive du Quotidien dont le lien était en
complément du dernier billet, puis une négative chez Radio-Canada. Nous
n’avons pas l’impression que la critique du Quotidien fut complaisante,
pas plus que celle de Radio-Canada était injuste. Nous croyons que le
journaliste écrit a vu, au delà de cette première « chancelante », la
force potentielle de la proposition, du texte et des comédiens. Une
force qui n’a pas tardé à se manifester après quelques soirs, à
s’affiner jusqu’à cette dernière impeccable de samedi dernier. Du côté
de Radio-Canada au contraire, on a choisi de mettre en avant les défauts
et les faiblesses de cette première, un choix que nous respectons tout à
fait.
Doit-on s’étonner que la critique la plus brutale que
nous ayons reçue soit anonyme? Elle est dans les commentaires publiés à
la suite du billet précédent. Anonymat qui veut donner raison à son
auteur lorsqu’il déplore la dangerosité d’une telle activité dans le
milieu local. Posons-nous alors la question: Que manque-t-il pour que
vive une critique lucide, sachant reconnaître les bons coups et ne
manquant pas de souligner les mauvais, ici au Saguenay? L’hebdomadaire
culturel local ne constituerait-il pas la tribune idéale pour
l’établissement d’une telle critique? En fait leur choix éditorial de
servir de courroie de transmission entre l’offre culturelle et le public
est sans doute salutaire pour leur éviter l’enlisement dans un panier
de crabes. On s’explique ce réflexe « non-critique » en considérant la
petite taille du milieu théâtral saguenéen, l’interdépendance de chacun,
la difficulté de faire face à un artiste qu’on aura bafoué
publiquement. Il est vrai que certains on payé le prix de leur intégrité
critique dans le passé. Mais cette proximité des artisans d’un milieu
incestueux est pourtant proportionnellement identique dans les
métropoles.
Il est vrai que les tribunes pour la critique
indépendante et spécialisée sont rares voire inexistantes en région. Les
journalistes des plus grands médias locaux ont beaucoup à couvrir dans
un espace restreint. Ce n’est pas d’hier que certains, dont je suis,
dénoncent l’absence, autre que ponctuellement, d’une telle habitude de
la critique localement, et à croire qu’une telle critique lucide ferait
avancer la pratique. Mais en réalité, nous sommes tiraillés ici en
région entre une sorte de protectionnisme louable, où les journalistes
et autres observateurs ne veulent pas nuire aux entreprises d’artisans
locaux, et l’absence d’une critique que nous reconnaissons tous comme
souhaitable et productive, mais dont nous avons si peu l’habitude que
nous ne pouvons apparemment pas l’encaisser.
Que manque-t-il à une véritable critique théâtrale
locale? Dans une ère où les supports médiatiques à l’opinion sont aussi
démocratiques et considérant qu’il n’est pas plus facile de démonter
froidement l’oeuvre de quelqu’un en ville qu’en région, je suis porté à
croire qu’il manque surtout le courage tenace des opinions de la part de
ses énonciateurs et la capacité pour les sujets de ces critiques de
surpasser l’esprit de clocher… que nous avons par ici, c’est vrai,
chevillé au corps.
Voilà. En gros, ça résume bien la dizaine de billets que j'ai écrit à ce sujet. Et je trouve également que cette part critique manque au milieu culturel. Tant dans les médias que parmi les artisans.