Le titre de ce billet, je l'ai emprunté à Bertolt Brecht. Il s'agit du titre d'un tout petit paragraphe, page 326, dans ses Écrits sur le théâtre 1, paru chez L'Arche:
Ce qui maintient en vie les pièces classiques, c'est l'usage qu'on en fait, même lorsqu'il n'est qu'un abus. Pour en extraire la morale, les maîtres d'école les passent au pressoir; et dans les théâtres, elles servent l'égoïsme des comédiens, l'ambition des maréchaux de la cour, l'avidité au gain des vendeurs de divertissement vespéral. On les pille et on les châtre: preuve qu'elles existent encore. Même quand elles sont «seulement» objet de «vénération», c'est toujours de manière revivifiante; car nul ne peut rendre un hommage sans qu'une bonne part de cet hommage ne retombe sur soi. Bref, leur délabrement profite, car seul vit ce qui vivifie. Un culte rigide serait aussi dangereux que ce cérémonial de la cour de Byzance qui interdisait aux courtisans de porter la main sur les personnes de sang royal, si bien que celles-ci, tombant, royalement soûles, dans un étang, n'étaient secourues par personne. On les laissait mourir afin de ne pas mourir soi-même.
Lire les grands théoriciens du théâtre, c'est comme lire la Bible pour les fervents chrétiens: ils finissent toujours par apporter une réponse, un réconfort... même quand la question n'est pas posée.
À quelques semaines de présenter George Dandin d'après Molière (voir ici), je réfléchis beaucoup - particulièrement dans ce cas-ci - à ma propre posture face aux classiques.
J'aime bien cette idée brechtienne de la nécessaire non-rigidité des classiques, de cette malléabilité qui leurs permettent de traverser le temps, de leur retirer le vernis de quasi sanctification pour les ramener à ce qu'ils sont vraiment: une matière scénique... et que c'est comme telle qu'ils doivent être utiliser.
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