Il est toujours un peu vertigineux de lire des écrits (par des traductions et des transmissions de manuscrits en manuscrits au fil des siècles) venus tout droit de l'Antiquité et d'y faire la constatation que déjà, les contours de l'art dramatique y sont dessinés... et avec moult précisions et détails. De quoi remettre en question le «ce qui reste à faire et à dire»...
Voici, tiré du souventes fois cité L'art du théâtre d'Odette Aslan, un extrait de L'Art Poétique selon Horace, un poète romain (65-8 av. J.C.) qui édicte quelques règles, lui aussi (avait-il lu Aristote?) sur la comédie et la tragédie... enfin, sur ce qui doit se passer sur scène. À quelques deux milles ans plus tard, le propos pourrait toujours la route:
... Vous qui entreprenez d'écrire, choisissez une matière proportionnée à vos forces, et essayez longtemps ce que peuvent, ou ne peuvent porter vos épaules.
... Si vous osez donner à la scène un caractère entièrement neuf, qu'il soit à fin tel que vous l'avez montré au commencement, et qu'il ne se démente nulle part. Mais il est bien difficile de donner des traits propres et individuels aux êtres proprement possibles. Il est plus sûr de tirer un sujet de l'Iliade, que de donner des choses inconnues, dont personne n'ait jamais parlé.
... La chose qui se fait est en action ou en récit. Ce qu'on entend raconter frappe moins, que ce qu'on voit de ses yeux. Les yeux sont plus fidèles; par eux le spectateur s'instruit lui-même. Gardez-vous cependant de mettre sur la scène ce qui ne doit se passer qu'au-dedans. Il y a beaucoup de choses qui ne doivent point paraître aux yeux, et dont un acteur vient rendre compte un moment après. Médée n'égorgera pas ses enfants sur le théâtre; l'horrible Atrée n'y fera pas cuire de entrailles humaines; Progné ne s'y changera point en oiseau, ni Cadmus en serpent: cette manière de les présenter serait odieuse, et détruirait l'illusion.
... Pour bien écrire, il faut avant tout avoir un sens droit. Les écrits des Philosophes vous fourniront les choses: et lorsque vous serez bien rempli de votre idée, les mots pour l'exprimer se présenteront d'eux-mêmes... L'habile imitateur doit toujours avoir devant les yeux les modèles vivants, et peindre d'après nature. Une pièce qui aura des tableaux frappants, et des moeurs exactes, quoiqu'écrite sans grâce, sans force, sans art, fait quelque fois plus de plaisir au public, et retient davantage les spectateurs, que de beaux vers vides de choses, et des riens bien écrits.
Voilà.
Voici, tiré du souventes fois cité L'art du théâtre d'Odette Aslan, un extrait de L'Art Poétique selon Horace, un poète romain (65-8 av. J.C.) qui édicte quelques règles, lui aussi (avait-il lu Aristote?) sur la comédie et la tragédie... enfin, sur ce qui doit se passer sur scène. À quelques deux milles ans plus tard, le propos pourrait toujours la route:
... Vous qui entreprenez d'écrire, choisissez une matière proportionnée à vos forces, et essayez longtemps ce que peuvent, ou ne peuvent porter vos épaules.
... Si vous osez donner à la scène un caractère entièrement neuf, qu'il soit à fin tel que vous l'avez montré au commencement, et qu'il ne se démente nulle part. Mais il est bien difficile de donner des traits propres et individuels aux êtres proprement possibles. Il est plus sûr de tirer un sujet de l'Iliade, que de donner des choses inconnues, dont personne n'ait jamais parlé.
... La chose qui se fait est en action ou en récit. Ce qu'on entend raconter frappe moins, que ce qu'on voit de ses yeux. Les yeux sont plus fidèles; par eux le spectateur s'instruit lui-même. Gardez-vous cependant de mettre sur la scène ce qui ne doit se passer qu'au-dedans. Il y a beaucoup de choses qui ne doivent point paraître aux yeux, et dont un acteur vient rendre compte un moment après. Médée n'égorgera pas ses enfants sur le théâtre; l'horrible Atrée n'y fera pas cuire de entrailles humaines; Progné ne s'y changera point en oiseau, ni Cadmus en serpent: cette manière de les présenter serait odieuse, et détruirait l'illusion.
... Pour bien écrire, il faut avant tout avoir un sens droit. Les écrits des Philosophes vous fourniront les choses: et lorsque vous serez bien rempli de votre idée, les mots pour l'exprimer se présenteront d'eux-mêmes... L'habile imitateur doit toujours avoir devant les yeux les modèles vivants, et peindre d'après nature. Une pièce qui aura des tableaux frappants, et des moeurs exactes, quoiqu'écrite sans grâce, sans force, sans art, fait quelque fois plus de plaisir au public, et retient davantage les spectateurs, que de beaux vers vides de choses, et des riens bien écrits.
Voilà.
L'«Art poétique« de Boileau contient aussi des choses très intéressantes (et exactes) sur le théâtre, parfois imitées (c'est le fondement de l'art classique) sur les écrits d'Horace et d'Aristote.
RépondreSupprimerLe dernier paragraphe d'Horace dont vous donnez la traduction a donné deux vers célèbres à Boileau:
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément.