Un autre morceau de fiel contre le théâtre - un type de littérature que j'aime bien par le style et la fureur - rédigé par un des Pères de l'Église, Quintus Septimus Florens Tertullianus, dit Tertullien dans son De Spectaculis (qu'on peut lire ici).Une petite lecture qui nous reporte à la fin du second siècle et au début du troisième.
De même on nous commande de renoncer à toute sorte d’impureté: on
nous ferme donc le théâtre, qui est, à proprement parler, le sanctuaire
de l’impudicité, où l’on n’approuve que ce qui est désapprouve partout
ailleurs. Aussi le plus grand charme du théâtre consiste d’ordinaire
dans le spectacle des plus grandes infamies. Ce sont ces infamies que
représente, ou un Toscan par ses gestes impudiques, ou un comédien aidé
par des femmes, auxquelles il fait fouler aux pieds la pudeur de leur
sexe, et qui ne rougissent pas sur lascène de ce qui les couvrirait de honte dans tout autre lieu; ou un
pantomime, par les poses indécentes auxquelles on a accoutumé son corps
dès l'enfance, afin qu’il pût en donner aux autres des leçons. Bien plus,
ces misérables victimes de l’impudicité, qui ont prostitué leur corps
au public, ne paraissent-elles pas aussi sur le théâtre, d’autant plus
misérables, que ne découvrant ailleurs leur turpidité qu’aux hommes, ici
elles la font paraître aux yeux des autres femmes, à qui elles avaient
eu soin de se cacher jusqu’alors. On les expose à la vue de gens de tout
âge et de toute dignité. De plus, un crieur public annonce ces
courtisanes à ceux qui ne les connaissent déjà que trop. Voilà, dit-il,
la loge d'une telle, il faut donner tant pour la voir : elle a telle et
telle qualité. Mais passons sous silence des infamies qui devraient
être ensevelies sous les plus épaisses ténèbres, afin que le jour même
n'en fût pas souillé. Cependant, vous sénateurs , vous magistrats, vous
citoyens romains, rougissez de honte et de confusion! Et ces
malheureuses, qui ont étouffé en elles toute pudeur, qu’elles craignent
de montrer au grand jour, aux yeux du peuple entier, les indécences de
leurs gestes , et qu’elles rougissent au moins une fois l’an. Si donc
nous devons avoir en exécration toute sorte d’impureté, pourquoi nous
sera-t-il permis d'entendre ce qu'on ne saurait dire sans crime?
sachant d'ailleurs que Dieu condamne toute plaisanterie et toute parole
inutile. Pourquoi nous sera-t-il permis de regarder ce qu’il nous est
défendu de faire ? Pourquoi les mêmes choses qui souillent l’homme par
la langue ne le souilleraient-elles point par les yeux et par les
oreilles? Les oreilles et les yeux sont comme les avenues de notre ame,
et il est difiicile que le cœur soit bien net, lorsque les voies en sont
corrompues. Voilà donc le théâtre interdit dès là que l’impureté est
condamnée.
Qu'on se le tienne pour dit!
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