Ai assisté, hier soir, avec intérêt, à la première des trois présentations publiques de Dragage 00, projet de recherche création de Jean-Paul Quéinnec (dont il signe également le texte). Le spectateur y est convié de façon toute spéciale: être, comme le disait Meyerhold, le quatrième créateur en entrant dans ce laboratoire pour produire un nouvel espace de perception visuelle et d'écoute, d'interactions physiques (voire sensuelles) et mentales (voire surtout imaginaires). (Voir sur ce billet les enjeux de cet exercice)
Premier avertissement: il s'agit ici d'une étape et non d'une finalité.
Un espace donc. Le studio-théâtre de l'UQAC dans une disposition en coin et le long d'un mur, toute blanche englobant le petit espace des spectateurs - que 38 places!. Au-dessus, une grande toile blanche. Des chaînes partout. Et une multitude d'objets hétéroclites dont le mérite est évidemment la bruyance plus que l'utilitaire. Parce que dans cette salle, l'espace est d'abord et avant tout sonore. La présence des comédiens et des musiciens est elle aussi sonore avant que de n'être jeu. Bref, un duel permanent entre le son et le texte (qui en soit, d'ailleurs, est fort intéressant).
La fable laisse place à la présence; la théâtralité laisse place à la performativité. L'acte performatif s'inscrit contre la théâtralité qui crée des systèmes, du sens et renvoie à la mémoire. Là où la théâtralité est davantage liée au drame, à la structure narrative, à la fiction, à l'illusion scénique qui l'éloigne du réel, la performativité (et le théâtre performatif) insiste davantage sur l'aspect ludique du discours sous ses multiples formes visuelles ou verbales. [...] Elle impose le dialogue des corps, des gestes et touche à la densité de la matière (J. Féral, Entre performance et théâtralité, le théâtre performatif, Théâtre/Public), matière sonore dans le cas présent.
Dragage 00 est, selon le feuillet explicatif, une expérimentation sur le rapport au son d'une nouvelle dramaturgie.
Et pourtant, les personnages traditionnels, la fable (parce que fable il y a) cherchent désespérément à surgir mais sont entravés par les actions des comédiens et musiciens qui agissent en performeurs. L'espace décrit plus haut n'est pas fictif mais, je réitère ma position!, performatif. Le (non-)jeu qui en découle est, en quelques sortes, captivant... Quand sont-ils le plus présents? Qu'est-ce que leur présence? Interprètes ou techniciens? Le glissement de l'un à l'autre est constant: l'environnement sonore doit se créer et impose un système hétéroclite qui demande beaucoup de manipulation. Dans ce cas-ci (et on m'excusera ici de reprendre les mots et tournures de D. Couty) le rapport entre le son et le texte est oui un rapport de complémentarité, de concurrence et de conflit... mais la question se poserait à savoir si ce n'est pas davantage un rapport de soumission ou de prééminence... et, par radicalisme de ma part, qu'une tentative de phagocytage de la convention?
Du coup, l'action - les actions concrètes! - est peut-être trop présente, stimule peut-être aussi trop l'oeil qui, contrairement à ce que dit Mervant-Roux, manque à son écoute. La manipulation sonore telle que mentionnée se confond avec la sollicitation visuelle (par les déplacements, les gestes, les accessoires) et perd de son importance au profit de la scène, de l'objet lui-même.
Cette question du son (domaine dans lequel je suis parfaitement débutant dans ma propre démarche, n'ayant pas encore été convaincu de sa réelle place) pousse ainsi, avec Dragage 00 de grandes pistes de réflexions...
Ce sont là mes premières impressions.
La fable laisse place à la présence; la théâtralité laisse place à la performativité. L'acte performatif s'inscrit contre la théâtralité qui crée des systèmes, du sens et renvoie à la mémoire. Là où la théâtralité est davantage liée au drame, à la structure narrative, à la fiction, à l'illusion scénique qui l'éloigne du réel, la performativité (et le théâtre performatif) insiste davantage sur l'aspect ludique du discours sous ses multiples formes visuelles ou verbales. [...] Elle impose le dialogue des corps, des gestes et touche à la densité de la matière (J. Féral, Entre performance et théâtralité, le théâtre performatif, Théâtre/Public), matière sonore dans le cas présent.
Dragage 00 est, selon le feuillet explicatif, une expérimentation sur le rapport au son d'une nouvelle dramaturgie.
Et pourtant, les personnages traditionnels, la fable (parce que fable il y a) cherchent désespérément à surgir mais sont entravés par les actions des comédiens et musiciens qui agissent en performeurs. L'espace décrit plus haut n'est pas fictif mais, je réitère ma position!, performatif. Le (non-)jeu qui en découle est, en quelques sortes, captivant... Quand sont-ils le plus présents? Qu'est-ce que leur présence? Interprètes ou techniciens? Le glissement de l'un à l'autre est constant: l'environnement sonore doit se créer et impose un système hétéroclite qui demande beaucoup de manipulation. Dans ce cas-ci (et on m'excusera ici de reprendre les mots et tournures de D. Couty) le rapport entre le son et le texte est oui un rapport de complémentarité, de concurrence et de conflit... mais la question se poserait à savoir si ce n'est pas davantage un rapport de soumission ou de prééminence... et, par radicalisme de ma part, qu'une tentative de phagocytage de la convention?
Du coup, l'action - les actions concrètes! - est peut-être trop présente, stimule peut-être aussi trop l'oeil qui, contrairement à ce que dit Mervant-Roux, manque à son écoute. La manipulation sonore telle que mentionnée se confond avec la sollicitation visuelle (par les déplacements, les gestes, les accessoires) et perd de son importance au profit de la scène, de l'objet lui-même.
Cette question du son (domaine dans lequel je suis parfaitement débutant dans ma propre démarche, n'ayant pas encore été convaincu de sa réelle place) pousse ainsi, avec Dragage 00 de grandes pistes de réflexions...
Ce sont là mes premières impressions.
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