vendredi 3 avril 2009

Le trac

Jean-Louis Barrault en Scapin, par David Flore, dit Flordavid (1891-1958), 1947-48

Le trac, ce n'est pas la peur. C'est l'émoi du rendez-vous, avec la hantise d'être «à la hauteur». Disons: un complexe de puissance, qui ne pourrait disparaître qu'avec un peu d'indifférence. Il m'est arrivé d'envier les indifférents, pas longtemps bien sûr.

Sous l'emprise du trac, on ne sait plus s'il faut manger ou jeûner, se coucher ou marcher, se «chauffer avant» ou dormir. On passe par toutes les maladies: la congestion cérébrale, la crise de foie, la faim, l'envie de vomir, on manque d'air, on a des frissons, des vapeurs... C'est bien simple: «C'est la dernière fois!».

Heureusement, une fois en scène, après une minute de fuite en avant, l'ivresse commence. Les radars se sont débloqués - les réacteurs fonctionnent. On vole au-dessus des nuages, on s'imagine extra-lucide. Enfin, quand tout va bien et que le public est «bonne fille»!

En quelques lignes, Jean-Louis Barrault réussi fort bien, dans son autobiographie - Souvenirs pour demain, paru aux éditions du Seuil, en 1972 - à définir cet état d'être juste avant de monter sur scène... cette sensation de malaise profond qui grise pourtant plus que tout!

Pour moi, le trac - qui n'est pas l'apanage exclusif des comédiens! - est peut-être la pire épreuve qu'impose le théâtre. Peu importe le texte, l'équipe, la salle, le contexte social et financier... tout est surmontable. Sauf cette angoisse douloureuse et épuisante auto-infligée qui empoigne le coeur et qui s'intensifie à l'approche de l'heure fatidique!
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Pour terminer, je ne résiste pas à répéter une nouvelle fois cette anecdote qui me plaît bien... autant pour le caractère des personnages impliqués que pour l'ironie qui s'en dégage:

Une jeune comédienne à l'illustre Sarah Bernardht: «Je ne connais pas le trac.» La grande tragédienne à la voix d'or de répondre: «Ne vous en faites pas, cela viendra avec le talent.»

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