samedi 3 juillet 2010

De la composition scénique...

Petit saut en arrière, en 1927, dans la jeune Union des Républiques Socialistes Soviétiques (la période historico-théâtrale où, par un hasard surprenant et par une admiration quasi excessive, se concentrent mes recherches!) alors qu'Anatole Vassilievitch Lounatcharsky, qui connaît et apprécie l'art moderne (Wiki), est Commissaire du peuple à l'instruction publique (ce qui, d'office, le place en première ligne de toutes les responsabilités culturelles et, du coup, du théâtre!) et donne, dans un article publié dans le Novyj Mir, une belle description du fonctionnement du théâtre, ou, pour être plus précis, de l'objectif de la composition scénique (à partir de l'exemple du Revizor de Meyerhold):


Ce qu'il y a de mieux, dans le style extérieur du spectacle [Le Revizor de Gogol mis en scène par Meyerhold], c'est son extraordinaire perfection artistique. Souvent, même en assistant aux meilleurs spectacles des meilleurs théâtres, je sentais à quel point la scène entière, en tant que tableau, était imparfaite. Il nous arrive souvent d'écouter un dialogue qui se déroule dans le coin d'un immense plateau. Si vous concentrez votre attention sur ce coin, tout le reste s'évanouit complètement, en nous dérangeant même, pour ainsi dire, par sa présence dans le subconscient et dans une perspective confuse. Si votre regard commence à errer sur toute la scène, sur l'ensemble, qui représente pourtant une oeuvre d'art, vous finissez par vous détacher de l'action. Et je ne parle pas du fait que presque toujours les acteurs (phénomène contre lequel veut combattre le théâtre constructiviste) se traînent sur le devant d'un immense plateau, dont les cinq sixièmes demeurent un espace vide. Ce n'est pas encore tout: il est très rare que la mise en scène soit assez parfaite pour intégrer chaque personnage dans la composition générale, même lorsqu'il ne parle pas, ainsi que chaque position de la tête, de la jambe, de la main de celui qui se trouve en scène. Un tableau, ou, pour être plus précis, une estampe colorée, ne sont beaux que si toutes les touches de peinture, sans en excepter aucune, se confondent dans un tout unique. Le peintre ne trace pas un seul trait sans tenir compte de l'ensemble de la composition, de même que le musicien n'admet pas le moindre son qui ne rentre pas dans son calcul artistique et mathématique précis.

C'est cette perfection scénique (par ailleurs si difficile à atteindre) que je cherche, avec plus ou moins de bonheur, dans mes mises en scène.

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