mardi 5 avril 2011

Pour un nouveau rapport au texte...


Dans une bonne partie des pièces de théâtre contemporaines (de ces nouvelles écritures dramatiques qui redéfinissent le genre et le poussent vers un postmodernisme - ou postdramatique?- radical), il faut redéfinir un nouveau rapport au texte. Une nouvelle façon de l'aborder, de le concevoir, de le toucher.

C'est ce à quoi mon équipe et moi nous attardons dans le cadre de mes recherches doctorales, prenant, comme source, les écrits de Vsevolod Meyerhold.

Voici un texte de Patrice Pavis (enfin, des extraits), qui dresse un portrait du sujet d'une façon claire et précise. Ce texte est paru dans Le Théâtre Contemporain.

Dans la plupart de nos pièces [nda: les pièces à l'études dans l'ouvrage cité plus haut], l'acteur n'a pas à incarner un personnage, il ne reconstitue pas une situation. C'est un filtre, un aiguilleur, un intermédiaire pour les éléments qu'il choisit ou non de faire passer du texte vers la scène. Du texte, il nous donne à entendre ce qu'il veut, et non une totalité cohérente. La pratique de ces textes dramatiques et le mode de jeu qui en résulte réclament un type nouveau de travail de l'acteur, et ce pour l'ensemble de nos pièces, avec bien sûr des nuances selon les cas.

À la place de l'acteur incarnant et caractérisant son personnage ou de l'acteur s'en distanciant selon la technique meyerholdienne ou brechtienne, on a désormais besoin d'un acteur-dramaturge participant aux choix et aux changements dramaturgiques [nda: donc, d'un acteur-performatif...]. [...] Il se situe à l'interface du texte dit et de la scène jouée et lorsqu'il bouge sur scène, c'est aussi le texte [...] qui bouge avec lui, qui se constitue et se solidifie. Tout déplacement «dit», éoqué par le personnage, et imaginé par le spectateur, implique un déplacement fait. Très vite, le spectateur ne saura plus distinguer ce qu'il voit de ce qu'il imagine; il «voit» le texte, sur la page comme sur la scène. [...] L'acteur, autant que le lecteur ou le spectateur, suit le mouvement du texte, sa syntaxe et sa rhétorique, sa facture rythmique et musicale. C'est le meilleur moyen d'en saisir l'articulation logique et donc le sens. De quoi cet acteur-dramaturge a-t-il le plus besoin? D'un corps capable de lenteur, d'endurance, de virtuosité, mais aussi de retenue, bref, d'un corps anti-naturaliste [nda: tout comme d'une voix anti-naturaliste!], car il y a toujours un écart entre le corps de l'acteur et son texte.

[...] C'est à l'acteur que revient essentiellement la mission d'«ouvrir» le texte. En plus de consentir à jouer un personnage, il joue à faire l'acteur, nous le voyons fabriquer pour nous et devant nous son jeu, se situer en tant qu'énonciateur par rapport à un texte qui ne disparaît pas dans la fiction, mais reste visible et audible comme un corps étranger.

Il est toujours étonnant de trouver les mots juste venus d'ailleurs pour exprimer ses propres intentions... et c'est aussi angoissant, dans un cadre doctoral où il faut apporter quelque chose de nouveau à la discipline, de se rendre compte que tout a été dit (enfin, presque!)...

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