Dans l'histoire du théâtre, l’avènement du drame dans la première moitié du XIXième siècle se vécut comme une véritable révolution. Avec l'apparition de ce nouveau genre, il en était fait de la chape imposée par la règle classique (entendre ici la règle des trois unités telle que versifiée par Boileau: Quand un jour, un lieu, un seul fait accompli / Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli). Aux côtés (et même contre!) de la tragédie et de la comédie, l'on recherchera désormais le grand et le vrai (j'avoue pourtant que ce n'est pas mon époque favorite...).
Voici comment Victor Hugo, de toute sa plume poétique, le définit... et du même coup, en quelque mots, il dresse le portrait de plusieurs siècles de théâtre!
Il [note: le poète dramatique... dans ce cas-ci, il s'agit de lui-même!] l'a déjà dit ailleurs, le drame comme il le sent, le drame comme il voudrait le voir créer par un homme de génie, le drame selon le dix-neuvième siècle, ce n'est pas la tragi-comédie hautaine, démesurée, espagnole et sublime de Corneille; ce n'est pas la tragédie abstraite, amoureuse, idéale et discrètement élégiaque de Racine; ce n'est pas la comédie profonde, sagace, pénétrante, mais trop impitoyablement ironique de Molière; ce n'est pas la tragédie à intention philosophique de Voltaire; ce n'est pas la comédie à action révolutionnaire de Beaumarchais; ce n'est pas plus que tout cela; mais c'est tout cela à la fois; ou, pour mieux dire, ce n'est rien de tout cela. Ce n'est pas, comme chez ces grands hommes, un seul côté des choses systématiquement et perpétuellement mis en lumière, c'est tout regardé à la fois sous toutes les faces. S'il y avait un homme aujourd'hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine; ce serait le passé ressuscité au profit du présent; ce serait l'histoire que nos pères ont faite confrontée avec l'histoire que nous faisons; ce serait le mélange, sur scène, de tout ce qui est mêlé dans la vie; ce serait une émeute là et une causerie d'amour ici, et dans la causerie d'amour une leçon pour le peuple, et dans l'émeute un cri pour le cœur; ce serait le rire, ce seraient les larmes; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand.
C'est ainsi qu'est dressé, en 1833, dans la préface de Marie Tudor, le programme de tout ce courant... Y seront-ils arrivés?
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