dimanche 16 juin 2013

De l'expression du visage... [Traité d'anatomie]



Du même ouvrage que celui cité dans le billet précédent, voici un petit traité anatomique de l'expression du visage! 


Œil. — La fonction de l'œil, considéré comme organe de vision et d'expression, est ce qui frappe le plus dans la partie de la face qui constitue essentiellement le visage. Il faut généralement ménager les regards, et ne point les prodiguer à chaque parole. Les yeux perdent leur expression par un mouvement continuel. Les regards fixés de côté font beaucoup d'effet, surtout lorsque dans ce moment on ne fait aucun geste. Le plus grand acteur ne serait rien sans le langage des yeux; tout languit dès que les regards ne sont point animés. L'œil est l'âme du discours. Écoutez un grand acteur sans le regarder, il ne vous fera qu'une légère impression, retournez-vous, sa pantomime vous effraie. Le tonnerre de la parole d'un orateur ne produit qu'un bruit inutile, s'il n'est accompagné de l'éclair de ses regards, et la compassion est plus l'ouvrage des larmes que l'on voit couler, que du récit de l'infortune qui les cause. Il faut, en règle générale, regarder toujours celui à qui l'on parle,cela donne de la vérité au dialogue. Il n'existe aucune passion qui ne soit indiquée par un mouvement particulier des yeux. Pour agrandir l'œil, baissez la tête. Un coup d'œil lancé à propos dit plus vite et mieux qu'un long discours ; quand les yeux sont abusés, les oreilles le sont aussi plus aisément. Si l'acteur est profond dans son art, il fera que l'expression des yeux précède celle de la parole ; il préviendra alors si bien le spectateur de ce qu'il va lui dire, qu'il le fera entrer tout d'un coup dans ses dispositions, qui, par la suite du discours, lui feront recevoir plus aisément les impressions que l'on demande. Ordinairement, tant que l'acteur ne dit que des choses indifférentes ou de peu d'importance, il doit laisser ses yeux presque à demi fermés, et sans expression marquée ; alors ils produisent plus d'effet dans les moments importants.

Sourcils — Il y a deux mouvements dans les sourcils qui expriment tous les mouvements des passions. Celui qui s'élève vers le cerveau exprime les passions les plus farouches et les plus cruelles. Quand le sourcil s'élève par son milieu, cette élévation exprime des mouvements agréables ; dans ce cas, la bouche s'élève par les côtés, et dans la tristesse elle s'élève par le milieu. Lorsque le sourcil s'abaisse par le milieu, ce mouvement marque une douleur corporelle, alors la bouche s'abaisse par les côtés.

Front.— Le haut du visage doit jouer sans cesse; la bouche et le menton ne doivent ordinairement se mouvoir que pour articuler, excepté dans les affections bien vives; autrement l'on fait des grimaces. Le mouvement du front aide beaucoup celui des yeux. Le jeu des muscles du front produit un grand effet 

Cheveux.— L'arrangement des cheveux, la manière de les distribuer sur le front influent beaucoup sur la physionomie de l'acteur.

Bouche, lèvres. —La bouche est la partie de tout le visage qui marque le plus particulièrement les mouvements du cœur. Elle est le siège principal de la dissimulation. L'articulation nette dépend du travail de différentes parties de la bouche, surtout dans la prononciation des consonnes. La voix, quelque belle qu'elle soit, ne séduira jamais en sortant d'une bouche lente et paresseuse. En général une bouche enfoncée ne peut jamais rendre avec éloquence les caractères de la douleur. La manière de contracter ou de dilater les lèvres, influe beaucoup sur l'expression de la physionomie. Les muscles de la lèvre inférieure, surtout les muscles triangulaires, produisent le plus grand effet dans les passions oppressives et contractées. — Pour parler purement, les sons doivent sortir de la voûte du palais, et le travail des lèvres doit les modifier, les épurer et les perfectionner. La plus belle partie du talent de mademoiselle Mars était sa prononciation nette et perlée; elle la devait naturellement à la conformation de sa bouche en général, et surtout à celle de ses lèvres, en particulier, qui étaient extrêmement mobiles et déliées. A force d'étude et de travail, on pourrait acquérir jusqu'à un certain point ces qualités si précieuses dans l'art du comédien, celles d'une articulation parfaite.

Nez. — Les acteurs chargés des premiers emplois dans le haut comique, finissent par acquérir une mobilité remarquable dans l'appareil musculaire des cils, du nez et de la lèvre supérieure. Tel était surtout Fleury, ce qui le rendait si supérieur, dans l'expression des caractères d'hommes à bonnes fortunes, de roués, de séducteurs, et surtout dans l'ironie et le persiflage.

Joues. — La partie dès joues qui est positivement placée sous les yeux contribue, en s'élevant et en s'abaissant, à l'expression; mais il faut être modéré dans le mouvement de cette partie qui devient aisément forcée.

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