Ici sont réunies deux des plus grandes comédiennes de l'histoire du théâtre (qui plus est, contemporaines!), la française Sarah Bernhardt et l'italienne Eleonara Duse (surnommée simplement La Duse). Deux génies des planches. Deux forces scéniques. Deux monstres sacrés.
Semblables? Pas vraiment.
Voici comment les comparait André Chaumeix (un journaliste et critique français de la première moitié du XXième siècle):
Sarah Bernhardt et elle ont représenté les deux formules les plus achevées, essentielles, de l'art romantique. L'une a rayonné, ébloui, comme le soleil, empli l'univers de ses caprices, de sa fantaisie poétique, de sa splendeur séductrice. L'autre a ébranlé toutes les sensibilités par le jeu pathétique et sans recherche de coquetterie féminine d'un visage nu, sans beauté régulière, mais rendu sublime par l'expression. La douleur qu'exprimait Sarah Bernhardt tordait les nerfs et grisait à la fois par la beauté d'un style approprié à l'artiste; on pleurait avec elle, sur elle, mais, après la chute du rideau, on n'avait plus qu'un désir: celui d'acclamer l'enchanteresse, de l'approcher comme une divinité représentant une des formes de la beauté. Sarah Bernhardt était «tonique», même après une représentation de Phèdre, de La Tosca ou de L'Aiglon. La douleur de la Duse, aux belles mains, entrait en nous comme un mal contagieux. Elle ne tordait pas les nerfs, elle déchirait l'enveloppe d'apathie qui habituellement préserve l'âme. On était envahi non par l'enthousiasme, mais par le désespoir. Après avoir entendu Eleonara Duse jouer La Dame aux Camélias, La Dame de la mer, La Gioconda, on n'avait envie que de solitude. On n'aurait pas imaginé rencontrer dans un salon cette vivante statue de douleur. L'action de cet art était intérieure et profonde.
Quelles descriptions!
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