samedi 28 décembre 2019

La force du théâtre

L'un de mes ouvrages favoris portant sur le théâtre est L'Éternel Éphémère de Daniel Mesguish. Un ouvrage auquel je reviens fréquemment. Plein de considérations sur le texte, la scène, le jeu... et plus encore, sur le théâtre lui-même. Comme ce très beau passage (pp. 137-138):



Je souffre parfois de voir le théâtre tomber pour ainsi dire en désuétude. Non, cette plainte n'est pas celle de celui qui a fait profession de l'art dramatique et qui, tel le petit commerçant voyant avec effroi s'installer à cinq mètres de sa boutique une ''grande surface'', se sentirait écrasé par la ruine et l'injustice, non, cette plainte n'est pas celle de l'archaïque devant l'industriel, cette plainte n'est pas nostalgie, fermée; au contraire: elle est ouverte vers le futur, elle est politique.

Depuis quelques années [...], le théâtre va mal. Le public le déserte, ou croit qu'il le fait, les médias l'ignorent ou le colonisent, la presse lui consacre une part de plus en plus restreinte, bien pis: les hommes et les femmes de théâtre eux-mêmes commencent à reculer, à obéir, recherchent les stars de cinéma ou de télévision, font des spectacles à durée standardisée; et le théâtre ''populaire" [...] se transforme plus que jamais en grands shows qui miment les rassemblements ''populistes'', en images qui singent celles de la pratique publicitaire.

[...] Non, non. Il  ne s'agit pas là de ''la mort du théâtre'', que l'on annonce périodiquement, annonces qui sont la scansion même de sa respiration, le bruit que fait son coeur; car c'est de toujours être sur le point de mourir que le théâtre vit, c'est sa faiblesse extrême qui est sa force infinie. (''Comment le théâtre pourrait-il mourir, lui qui n'a jamais été pleinement vivant, comment pourrait-il disparaître, lui qui n'est jamais tout à fait présent?" Comment un spectre pourrait-il mourir?)


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