De la littérature dramatique grecque antique sont conservés les textes complets de quarante-cinq pièces: six ou sept d'Eschyle, sept de Sophocle, dix-huit ou dix-neuf d'Euripide, onze d'Aristophane et une de Ménandre. Relativement à la production antique, c'est très peu. Les Anciens, pour ne citer que deux exemples, connaissaient cent vingt-trois drames de Sophocle et plus d'une centaine de comédies de Ménandre. C'est donc d'une portion infime des oeuvres antiques que nous disposons et ce corpus n'est ni fiable, ni représentatif.
Pour chacune de ces pièces, l'établissement du texte demeure en effet sujet à controverses. Nous ne possédons pas le moindre fragment des manuscrits qui furent écrits par les dramaturges sur des rouleaux de papyrus, en lettres capitales, sans indication ni de mise en scène, ni de répartition des répliques entre les personnages. Nous pouvons seulement tenter d'en restituer la lettre par la collation de rares papyrus antiques de seconde main et, surtout, de manuscrits qui ne sont pas antérieurs au Xe siècle. Il est de la sorte douteux que nous ne connaissions jamais précisément la forme exacte du texte original, tel qu'il fut écrit pour sa première représentation, et ce d'autant plus que, dès l'Antiquité, certaines pièces furent modifiées, après leur création, par leurs auteurs ou par leurs interprètes. Quand bien même il en serait ainsi, tout une partie du spectacle nous échappe: sur les mises en scène ou les costumes, sur les musiques ou les danses qui entraient dans la composition des drames, nous n'avons presque aucune information directe.
Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane et Ménandre [représentés, dans l'ordre, plus haut], de plus, ne forment pas un choix représentatif de l'ensemble de la production dramatique dans la Grèce ancienne. Tous ont écrit à Athènes, entre le début du Ve siècle et le début du IIIe siècle av. J.-C. De ce qui a été composé pour la scène dans le reste de la Grèce ou, à Athènes, avant et après cette période, il demeure seulement quelques fragments. Presque rien, en particulier, ne date de l'époque hellénistique [fin du IVe s. av.J.-C.], qui fut pour le théâtre grec la période la plus florissante, celle qui vit le nombre de dramaturges se multiplier et presque chaque cité se doter d'un édifice de spectacles [construit en pierres au lieu des échafaudages en bois... ce sont d'ailleurs ceux-là qui nous sont parvenus].
Cette petite mise au point antique est tirée (p. 13) d'un petit bouquin que je viens de recevoir et qui est passionnant à lire: Théâtre et société dans la Grèce antique de Jean-Charles Moretti, édition (de 2001) republiée en 2011 chez Le Livre de Poche.
Un ouvrage fort intéressant (j'en ai lu la moitié hier) qui fait un tour d'horizon de ce monde d'il y a 25 siècles: les textes dramatiques, les concours et les prix rattachés, les caractéristiques des édifices, l'utilisation des édifices en dehors des concours, la composition des publics et leurs réactions, les décors et la machinerie utilisés, les costumes et les accessoires, la mise en scène, la gestion des théâtres et, bien sûr, les artistes (poètes, acteurs, musiciens).
Cette Antiquité - je devrais y replonger dans les prochains mois avec le Théâtre 100 Masques - reste mythique parce qu'elle pose, de façon magistrale, les jalons de tout le théâtre occidental tout en laissant, derrière elle, des chefs-d'oeuvres, qu'ils soient écrits (bien qu'ils ne soient le fait que de trois auteurs tragiques et deux auteurs comiques pour tout ce qui en reste) ou construits.
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