Une oeuvre dramatique, même celle d'un génie comme Shakespeare, n'est pas encore une oeuvre théâtrale.
Elle le devient seulement au moment où elle est transfigurée ou, si vous voulez, «défigurée» [...] par la création du théâtre.
Le théâtre n'est pas seulement un art qui interprète ou qui paraphrase. Non. Le théâtre est un art souverain, un art premier, portant une valeur en soi. Sa mission n'est pas d'interpréter ou de concrétiser le dessein du dramaturge sur la scène; il prend le texte dramatique comme matériau et avec lui crée une oeuvre d'art théâtral, nouvelle et indépendante.
C'est pourquoi le théâtre est absolument libre dans son approche d'un auteur et de son oeuvre; si cette approche en soi, par rapport au théâtre, art vivant, n'est pas sans talent, le théâtre a absolument raison.
C'est là le point de vue exprimé d'Alexandre Taïrov, metteur en scène russe de la première moitié du vingtième siècle. L'idée est partagée, à l'époque, par plusieurs... dont Meyerhold (mon maître à penser) qui ira d'expériences radicales de coupures, collages et réécritures.
Bien sûr, cela soulève d'emblée la question des droits de l'auteur (de l'auteur vivant ou de sa succession courante), de la propriété intellectuelle.
Pourtant j'aime bien cette idée du texte comme matériau. Du théâtre comme art de création à partir de celui-ci et non pas juste de concrétisation. Je suis plutôt partisan, dans ma pratique (à partir des textes anciens), de cette option: chercher la voix du théâtre avant celle de l'auteur.
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