samedi 29 mai 2021

Dans les soliloques du Youtubeur...


Le Théâtre C.R.I. présente, actuellement (jusqu'au 5 juin 2021) sa plus récente création: Le Youtubeur - le problème de l'échiquier, de et avec Martin Giguère.

C'est hier soir que moi j'y suis allé.

Comme plusieurs autres projets, celui-ci a dû se faufiler à travers les aléas d'une pandémie pour pouvoir enfin se rendre sur les planches de la salle du Facteur Culturel qui prends des allures de bunker. De studio. 

Avec cette pièce, le spectateur est convié à une paradoxale position. 

D'une part, il observe ce personnage, spécialiste de Minecraft qui y joue sans interruption depuis huit ans, en pleine plongée numérique, occupé qu'il est de préparer un 3000ième épisode pour sa chaîne Youtube. C'est ce motif qui sera déployé tout au long de la représentation. Avec son métalangage. Avec ses codes et ses conventions. Avec son attirail d'appareils. Avec son décor. 

Mais cette vie artificielle qui l'anime et qui fait l'objet de la représentation, toute prégnante soit-elle, restera de mots et d'impressions.

C'est à l'imagination du spectateur qu'on s'adresse. 

Car de son siège, ce-dernier ne verra, lui, qu'un alchimiste du pixel dans sa réalité quotidienne, enfermé dans son lieu secret. Terriblement seul. Ou pas si on le considère rempli de lui-même. Mais en rapport constant, quasi schizophrénique, avec son double, avec son public, avec son œuvre, avec son partenaire monteur, avec sa mère. Bref, écartelé entre deux - voire trois - réalités où il agit en tant qu'unique démiurge.

Et c'est là tout l'enjeu de ce spectacle: être un immense soliloque pour faire coexister tous ces mondes. L'interprète les fait vivre, par un efficace jeu, par ses répliques, mais plus encore, par ses silences et ses réactions à ces autres qui resteront physiquement absents. 

Tout ce principe théâtral, travaillé avec le metteur en scène Christian Ouellet, est soutenu par le texte de Martin Giguère qui tisse encore ici une nouvelle partition foisonnante de références, de connaissances qui entremêlent la culture populaire et l'érudition, de spécifications techniques d'où émergera peu à peu une autre histoire, la tension dramatique.

C'est un univers particulier - familier pour les uns, étranger pour les autres (mon cas!) - qui se laisse apprivoiser grâce à la verve et l'énergie de son créateur (le comédien et du coup, le personnage) et de l'équipe qui l'entoure.

1 commentaire:

  1. Pièce intéressante, mais qui manque de fini. La tension dramatique, à partir de l'entrevue et du dévoilement de la "vraie" nature du monteur, arrive trop tard pour avoir le temps d'être bien intégrée. Le cumul de l'échiquier est invraisemblable. Personne n'aurait laissé un tel montant s'accumuler, surtout que les issues possibles sont nombreuses et beaucoup moins coûteuses (engager un ou des hackers/électriciens pour planter les installations du youtubeur, un ou des tueurs à gages ou 1 000 avocats pendant des dizaines d'années pour invalider l'entente, etc.).

    Une adaptation facile serait de couper la période de moitié, de 8 à 4 ans (ou 5 pour faire plus rond). Il serait ainsi plus facile de croire aux investissements personnels et monétaires en jeu. Et pour donner plus de temps (et de chance) à la tension dramatique, réduire les détails du montage du X millième épisode.

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