Il est parfois difficile de sortir des ornières de la tradition théâtrale... d'autant plus quand nous nous confrontons au répertoire, à ces textes dont les personnages sont archi-connus et dont de nombreuses productions, au fil du temps, en ont donné des versions marquantes, des modèles difficiles à oublier, à laisser de côté lors des répétitions.
Ainsi, de nombreuses œuvres sont tellement inscrites dans l'imaginaire collectif, qu'il semble impossible d'en proposer une nouvelle version scénique.
C'est notamment ce que pensait Meyerhold, lorsqu'il a monté, en 1924, La Forêt d'Ostrovski (qui est l'un des chef-d'oeuvre de la littérature dramatique russe). Voici son inspirante réflexion sur le sujet (tirée du tome II de ses Écrits sur le théâtre, p. 173, éditions L'Âge d'Homme)
Il est utile de toujours commencer contre la tradition établie, cela éclaircit la scène et le personnage, conduit à une remise en cause, une réévaluation, cela rafraîchit et actualise la pièce, puisque le travail est mené sur un terrain mis à nu. Si au bout du compte nous arrivons quand même à une interprétation traditionnelle, une couleur nouvelle, fraîche, aura cependant été introduite dans cette réinterprétation. Et la tradition elle-même aura été perçue comme une substance essentielle et non pas comme une forme avec un contenu usé, vieilli. [...] Il faut savoir lancer des pétards sous les jambes des spectateurs, alors il ne s'ennuiera pas.
Si le metteur en scène ne parvient pas à se libérer du carcan de la tradition, il y a un risque de tomber dans le cliché... ce à quoi Meyerhold - qui a toujours le bon mot pour tout - répondra que, justement, le cliché est une tradition vidée de son sens.
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