samedi 17 septembre 2022

Leurs scènes maritimes

 


Hier soir, je suis allé confronter à nouveau ma pratique théâtrale somme toute conventionnelle en allant voir  l'équipe de la défunte Chaire de recherche en Dramaturgie sonore de l'UQAC et ses collaborateurs qui présentait une synthèse de ces recherches sonores maritimes amorcées depuis 2018 déjà, à Puerto Narino, Saint-Nazaire (en France) et l'Île d'Anticosti ayant pour thème la mobilité sonore pour la création d'un théâtre environnemental et transmédiatique

Chacune de ces étapes avait, en leur temps, donné lieu à des séries de performances, de happenings, de balados. 

Puis voici, quelque quatre années plus tard, le point d'orgue de ces efforts, ces déplacements, ces écoutes, ces enregistrements. Non pas un résumé de ce qui s'est fait mais bien une réutilisation de ces traces, de ces mémoires... une quatrième traversée poétique et performative de ce que le son, le bruit, le silence peut provoquer sur les sens, sur l'imaginaire, sur le corps. Une nouvelle création, quoi!

Bien sûr, cette représentation est, de bout en bout, supportée par des hypothèses de recherche plurielles et inter(ou trans?)disciplinaires, des convictions d'approches scéniques, des objectifs d'utilisation qui rendent la proposition plus riche encore quand ils sont connus. 

Parce que c'est dense. 

L'équipe mise - comme dans beaucoup de leurs projets antérieurs - sur la décentralisation voire l'éclatement du propos, la multiplication des points de fuite, n'hésitant pas à faire se superposer les données (tant factuelles, corporelles, que sonores et picturales) dans un espace tout recouvert de bâches multicolores lui-même objet sonnant, à se servir du texte comme simple bruit de fond pour donner prépondérance à l'imagerie provoquée par l'écoute, à le masquer au point de presque l'effacer tout en le maintenant présent.

C'est, en quelques sortes, comme Jean-Paul Quéinnec le mentionnait en début de prestation, une ode à l'instabilité, métaphore de ces mers, de ces vagues qui arrachent tout ou font tout tanguer autour d'elles.

C'est d'autant plus touffu que chaque collaborateur de ce projet ambitieux y apporte, avec un réel engagement, sa propre méthodologie, sa propre préoccupation artistique, qui pour la présence du corps, qui pour la vidéo, qui pour la narration ou le conte, qui pour la performance.

Qu'en résulte-t-il? 

Un théâtre éminemment sensoriel, basé sur l'écoute (des lieux cités plus haut par les artistes et du rendu en salle de spectacle), qui se décline en plusieurs tableaux qui amalgament les pratiques... qui voguent, indistinctement, entre le théâtre documentaire, le théâtre poétique (avec, parfois, de fort belles images), le théâtre performatif, la narration, la vidéo d'art, la danse-théâtre, l'évocation mimétique, le contrepoint.

Encore une fois (et c'est là où, personnellement, je me sens étranger à ce type de prestation) ce n'est pas une représentation du discours, de la fable, du message. C'est un appel à notre propre écoute. Notre propre capacité à y planter notre espace mental. À partir du moment où ce principe est accepté, ne reste plus qu'à se laisser porter par toutes ces scènes maritimes.

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À chaque fois que je vois un projet de (feue) la Chaire, j'en ressors avec autant de questionnements que de réflexions, avec de brillantes ouvertures à de sérieuses remises en question de ma propre vision du théâtre! Et c'est en cela que ce type de projet est nécessaire et bénéfique pour un milieu comme le nôtre.

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