samedi 27 février 2010

Comment survivre à la critique


Voici la première partie de ce texte (publié aujourd'hui dans La Presse sous la plume de Nathalie Petrowski) qui aborde la question de la critique du point de vue des artistes (dans ce cas-ci, des artisans du théâtre)... l'un de mes sujets de prédilection!!! :

Ratés, frustrés, hypocrites, stériles, les qualificatifs peu flatteurs qu'on lance aux critiques ne manquent pas. Critiquer la critique est un sport, mais c'est aussi un mécanisme de défense. Comment les créateurs font-ils pour remonter sur les planches, pour reprendre le stylo, pour retourner sur un plateau de tournage ou de télévision après s'être fait lancer des tomates? Douze artistes se confient.

Pour beaucoup d'acteurs de théâtre, la recette est simple: afin de protéger leur orgueil, mais aussi leur art, ils ne lisent pas les critiques tant que leur pièce n'a pas quitté l'affiche.

«Quand la poussière est retombée, que la première a eu lieu, que je me sens plus en contrôle, alors là, je vais être intéressée par ce qu'en dit la critique», raconte Anne Dorval.

«Moi aussi, comme plusieurs de mes camarades, j'attends, renchérit Danielle Proulx, mais parfois ça te vient aux oreilles malgré tout. Je me souviens d'une pièce démolie par la critique où nous étions 15 acteurs sur scène. En plus de jouer la pièce tous les soirs, nous sommes partis en tournée en sachant parfaitement que le show n'était pas bon et que les critiques avaient raison. La seule chose à faire dans un tel cas, c'est de s'assumer dans le malheur et d'être solidaires.»

Si plusieurs s'entendent sur la brûlure, la blessure, la morsure ou le coup de poing qu'on ressent après une mauvaise critique, certains, comme le metteur en scène Yves Desgagnés, affirment que, dans l'absolu, une mauvaise critique ne change rien. «Je suis dans le milieu depuis plus de 20 ans et je ne connais personne, personne, qui a modifié un spectacle ou un projet artistique à la suite d'une mauvaise critique», affirme Desgagnés.

Denise Filiatrault, qui travaille dans le milieu depuis 63 ans, abonde dans son sens: «Une fois que la première a eu lieu, il faut que tu acceptes ce que tu as fait. Tu ne peux pas commencer à écouter untel ou un autre et changer des choses tous les soirs. Tu peux toujours rager, pleurer, mais l'important, c'est de rester aussi fort que du fer.»

Yves Desgagnés va plus loin en affirmant que, bien souvent, les critiques les plus sévères viennent des artistes eux-mêmes.

Anne Dorval le confirme: «On n'est pas cons. On sait ce qu'on fait, et parfois on sait des semaines à l'avance qu'on est dans un train qui fonce tout droit sur un mur de béton. Mais on n'a pas le choix. On s'est engagés. On a signé un contrat. On est des professionnels, alors on y va. En serrant les poings.»

La metteuse en scène Brigitte Haentjens, qui reprend Douleur exquise avec Anne-Marie Cadieux au Quat'Sous en avril, a décidé un jour d'arrêter de se rendre malade avec la critique.

«Aujourd'hui, après plus de 30 ans de métier, je suis beaucoup plus relaxe face à la critique. Je m'en fous un peu, sauf en ce qui concerne mes acteurs. Quand ils ont de mauvaises critiques, je suis blessée pour eux. Et quand je les retrouve au théâtre le jour où la mauvaise critique a paru, j'évite tout simplement d'en parler.»

À la suite de cette lecture, on se rend compte que, finalement, c'est partout pareil, et qu'au lieu des Filiatraut, Desgagné, Dorval et Proulx, on aurait pu y lire plusieurs noms saguenéens! Jamais l'expression «un mal nécessaire» n'aura trouvée meilleure illustration!


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