Quand je commence à travailler sur une pièce, je pars d'un pressentiment obscur et profond, semblable à une odeur, à un couleur ou une ombre. [...] Cet obscur pressentiment, c'est ma relation avec la pièce. J'ai la conviction que cette pièce doit être montée aujourd'hui. [...] Je ne dispose d'aucun système pour monter une pièce, car c'est à partir de ce sentiment sommaire et informel que je commence à préparer.
Préparer signifie cheminer vers cette idée. Je commence à fabriquer un décor, je le casse, je le fabrique, je le casse, j'y réfléchis. Quel genre de costumes? Quelles couleurs? Tout cela constitue un langage qui sert à concrétiser quelque peu ce pressentiment. Jusqu'à ce que, petit à petit, en sorte la forme, une forme destinée à être modifiée, mise à l'épreuve, mais néanmoins une forme. Pas une forme figée, car il s'agit seulement du décor, et je dis «seulement du décor» parce que le décor n'est qu'une base, une plate-forme. Le travail commence avec les comédiens.
[...] Mis en présence de cette masse de matériau, l'obscur pressentiment se révèle le facteur prédominant face auquel certaines idées ne tiennent pas la route. Tout commence à se clarifier.
Voilà une belle définition du travail du metteur en scène glanée dans Points de suspension, de Peter Brook, publié en 1992 aux éditions du Seuil.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Si vous avez un commentaire à faire, ça peut se passer ici: