Il fut un temps où le décor était une architecture.
Un peu plus tard, il devint une architecture d'imitation.
Plus tard encore, l'imitation artificielle d'une architecture.
Alors il perdit la tête.
Il devint complètement fou, et depuis ne quitta plus l'asile.
Edward Gordon Craig, Towards a New Theatre, 1915
Cette très éclairante et synthétique (et sévère!) histoire du décor de théâtre de Craig a été tirée de l'ouvrage Le décor de théâtre - 1870- 1914 de Denis Bablet. L'auteur y va ensuite d'une explication pour compléter les écrits du grand réformateur britannique:
Au temps des Grecs, il n'y avait pas à proprement parler de décor, mais une scène, fond architectural immuable bâti de marbre ou de pierre [dans la version classique que nous connaissons... arrivée qu'à la fin de l'ère grecque alors que la grande majorité de son existence s'est déroulée dans des amphithéâtre/structure de bois], qui servait plus ou moins de décor pour toutes les pièces. Acteurs et spectateurs se retrouvaient dans un espace unique exposé à la seule lumière du jour.
Au Moyen-Âge les grands drames religieux étaient représentés dans le théâtre chrétien de l'église. Là encore interprètes et spectateurs se réunissaient dans un lieu architectural unique, éclairé conjointement par la lumière du jour et celle des cierges. Les «décorations» étaient faites de l'or des joyaux, de soies, de velours et autres matières précieuses. Et nul doute que le public y était plus sensible qu'il ne l'aurait été à une croix de papier mâché.
Puis vinrent les tréteaux de la Commedia dell'Arte dressés sur la place publique ou adossés à quelques façades de palais, non pas imitation de palais, mais palais véritable. Et le théâtre élisabéthain à ciel ouvert. Autant de théâtres, autant d'architectures scéniques.
Mais voilà que bientôt le théâtre s'enferma et que la scène, d'architecture solide qu'elle était, devint un vide qu'on remplit de décors peints successifs, aussi éphémères que les matériaux dont ils étaient faits. Et le trompe-l'oeil remplaça le volume vrai, et la lumière artificielle celle du soleil. C'en était fait du théâtre. La tradition était perdue.
Ainsi pense Edward Gordon Craig quand il entreprend, à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième, de réformer la scène théâtrale, de la libérer de sa surcharge réaliste, de ses toiles peintes en perspectives, de l'illusionisme. Et c'est vers les grandes formes scéniques historiques qu'il se tournera pour tenter de retrouver l'essence du théâtre.
Et bien sûr, cette histoire s'arrête, dans cette citation, en 1915 et ne tient pas compte de tout ce qui est advenu par la suite!
Et bien sûr, cette histoire s'arrête, dans cette citation, en 1915 et ne tient pas compte de tout ce qui est advenu par la suite!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Si vous avez un commentaire à faire, ça peut se passer ici: