samedi 26 juin 2021

Traité du mélodrame


Un genre théâtral qui me plaît beaucoup non pas par ses qualités littéraires (généralement assez pauvres) mais par son côté convenu, pétri de clichés et de bons sentiments: le mélodrame! 

C'est, en quelques sortes, une école d'écriture sur canevas tant la même forme se profile - en un, deux, trois, quatre ou cinq actes - d'une pièce à l'autre. La même forme. Les mêmes lieux. Les mêmes personnages. Les mêmes intrigues.

Encore hier, j'ai lu deux autres grandes oeuvres mélodramatiques:
  • Les deux fermiers ou la forêt de St-Vallier de MM. Menissier, Dubois et Martin St-Ange (1823);
  • Adolphe et Sophie ou les victimes d'une erreur de M. Victor (1816).
Mais en faisant des recherches pour les trouver (à force d'en lire, d'ailleurs, je finirai bien par trouver le projet qui saura profiter de ce matériel!), je suis tombé sur ce Traité du Mélodrame par MM. Abel Hugo, Pierre-Armand Malitourne et Jean-Joseph Ader, publié en 1817, à Paris. (ici, sur Gallica). 

Petit traité fort intéressant à lire qui définit fort bien (bien que je ne saisisse pas trop le ton - ironique ou sérieux - de l'ensemble) ce qu'est ce genre qui a fait les beaux jours du théâtre français (et québécois) au XIXième siècle. Une véritable synthèse qui dresse une recette infaillible (retranscris avec la graphie de l'époque... d'où les fautes apparentes):

[...] Pour faire un bon Mélodrame, il faut premièrement choisir un titre. Il faut ensuite adapter à ce titre un sujet quelconque, soit historique, soit d'invention: puis on fera paraître pour principaux personnages, un niais, un tyran, une femme innocente et persécutée, un chevalier, et, autant que faire se pourra, quelqu'animal apprivoisé [...].

On placera un ballet et un tableau général dans le premier acte; une prison, une romance et des chaînes dans le second; combats, chansons, incendie, etc, dans le troisième. Le tyran sera tué à la fin de la pièce, la vertu triomphera, et le chevalier devra épouser la femme innocente, malheureuse, etc.

Quel schéma synthétique!

Et voici la description des personnages principaux:

LE TYRAN: Tout ce qu'il y a de plus cruel, de plus atroce, de plus horrible, de plus abominable sur la terre et dans les goufres de l'enfer, voilà le tyran.

Orgueil, bassesse, lâcheté, perfidie, cruauté, scélératesse, dissimulation, voilà ses bonnes qualités. 

[...] Il est ordinairement heureux pendant les deux premiers actes; mais le milieu du troisième est le rocher contre lequel vient faire naufrage son coupable bonheur, et la justice divine le punit. 

LE NIAIS: [...] L'ignorance, la bêtise et l'orgueil, voilà le tempérament du niais; quolibets, calembourgs, pointes, jurons, naïvetés, voilà les élémens de sa conversation. Quand il est seul, il doit être gourmand et poltron; quand il n'est pas seul et qu'il ne mange pas, il est philosophe, et partant bavard.

L'INNOCENCE PERSÉCUTÉE (ou la jeune fille): [...] Cruel! Que t'avait fait cette jeune et innocente fille, pour lui percer le coeur, lorsque tu sais qu'elle ne peut aimer sans être malheureuse? Pourquoi dirigeais-tu vers les barreaux de sa fenêtre ce beau jeune homme, que tu lui montres de loin, sans doute; mais où ne voit pas l'oeil d'une vierge de quinze ans? C'en est fait, elle est éprise! Elle soupire après l'aimable inconnu, comme une fleur languissante soupire après la rosée du ciel: voilà ton ouvrage, ô amour! et cependant tu savais qu'un barbare l'aimait aussi, qu'il voulait être aimé, qu'un refus ouvrirait ses cachots, armerait sa colère d'un fer ou d'un poison vengeur!... Mais non, impitoyable dieu! ce sont là tes plaisirs.

LE CHEVALIER: [...] Toujours aussi brave que généreux, la discrétion et la fermeté sont comme innées chez lui, et si le coeur du tyran est le rendez-vous de tous les vices, celui de notre héros est la réunion de toutes les vertus. [...]

Ce chevalier est d'ordinaire, ou un amant, ou un frère, ou un fils que l'on croit mort et qui vient à point pour défendre la vertu ou de sa femme, ou de sa soeur, ou de sa maîtresse; mais, quelqu'il soit, c'est toujours un parfait honnête homme.  S'enveloppe-t-il des ombres du mystère? Ses motifs sont justes, son but est louable.

CONFIDENS: [...] L'emploi des confidens  est de se tenir auprès du personnage principal, d'écouter avec attention toutes ses paroles, d'y répondre quelque fois afin de le faire parler. Ils ne sont autre chose que les diminutifs des héros, et n'ont d'éclat que celui des rayons qu'ils réfléchissent [...].

Le tyran aura un confident pour aider ses crimes, étouffer ses remords.

L'innocente aura une confident pour écho de ses douleurs.

Le chevalier aura un confident, ne serait-ce que pour tenir les rênes de son coursier, lorsque les besoins de la vertu ou de la nature l'obligent d'en descendre.

C'est quelques mots (dont je ne saisis pas, encore une fois, s'ils sont donnés par moquerie) résument, à un seul, un pan majeur de ce répertoire...

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