lundi 9 février 2009

«Le théâtre a-t-il fait son temps?»


C'est à cette question liminaire que Karel Capek, immense monument (du moins, apparemment...) du théâtre tchécoslovaque de la première moitié du XXième siècle, tente de répondre (négativement...) dans un article paru dans Choses de théâtre, en juillet 1923.

Pourtant, cette question mériterait encore - avec encore plus d'acuité! - d'être posée aujourd'hui... car malgré toutes les bonnes volontés, malgré toutes les tirades sur son utilité, malgré même sa véritable utilité, le théâtre peine à se relever des nombreux coups assenés par le dernier siècle (révolutions technologiques, interdisciplinarisation), à reprendre la place centrale qu'il occupait dans la société et ce, depuis sa romantique création sous les cieux hellénistes! Trop coûteux, trop vieillot, trop trop... Mais...

Kapek, donc, écrivit ceci... il y a quatre-vingt-six ans:

Beaucoup de ceux dont le métier est de faire du théâtre ou de la critique dramatique affirment, avec une déplorable assurance, que le théâtre a fait son temps. Certains indices, il est vrai, semblent leur donner raison, particulièrement la faiblesse de la production dramatique actuelle. D'autre part, le «grand public» délaisse le théâtre pour les salles de cinéma [NDLR: salles qui ont pris le nom de... théâtre!] et les réunions sportives. Le cinéma satisfait mieux son imagination, le sport lui donne le spectacle de la lutte, le fait assister à la mise en oeuvre de toutes les énergies humaines tendues jusqu'à l'effort suprême. Au contraire, le théâtre, avec ses ressources limitées, n'est déjà plus , semble-t-il, assez passionnant pour exciter son imagination ni pour retenir son attention. Le théâtre a donc à lutter aujourd'hui contre une dure concurrence. Il ne doit jamais le perdre de vue; il doit comprendre qu'il n'a plus la place privilégiée qu'il tenait naguère dans la vie sociale. À la question posée, je réponds donc: «Si le théâtre se montre encore capable de lutter dans ces conditions, c'est qu'il n'est pas près de disparaître». Mais il doit lutter.

Il semble qu'il existe deux façons de s'affirmer contre un concurrent: ou bien l'imiter, pour le vaincre par ses propres armes ou bien prendre le contre-pied de ce qu'il fait. Il reste encore, cependant, une troisième ressource: c'est de faire à la fois l'un et l'autre. Telle doit être, à mon sens, l'attitude du théâtre contemporain. Il doit conserver intacts les caractères qui le différencient des autres spectacles: l'inspiration poétique et le lyrisme, la pensée et «l'intimité» psychologique. Cependant il peut, voire même il doit être émouvant, puissant et admirable. Il doit, lui aussi, montrer l'homme tendu dans l'effort suprême, faire entrer en jeu les grandes forces qui commandent la vie humaine, celles que nous révèlent, pas à pas, la biologie, la sociologie, la science économique. Il doit apparaître à nos yeux toutes les formes à travers lesquelles, par l'acte et par l'idée, s'affirme l'esprit contemporain. [...] Chaque jour, sous nos yeux, croît et mugit en tempête la matière dramatique de la vie. Peut-on dire, en vérité, que le drame, cet émouvant raccourci de la vie, ait perdu sa raison d'être?

Notre réponse serait-elle aussi convaincue?

dimanche 8 février 2009

Le grand malentendu théâtral 2... la théorie!

Après avoir écrit quelques mots sur le grand malentendu théâtral (voir le billet suivant), je propose aujourd'hui une description plus détaillée, plus savante... bref, plus approfondie de ce même phénomène de la communication théâtrale tirée de Les termes clés de l'analyse du théâtre, par Anne Ubersfeld (paru en 1996 aux éditions Le Seuil... et que je conseillerais à quiconque s'intéresse au théâtre!):


COMMUNICATION THÉÂTRALE:
La communication théâtrale est un phénomène complexe, infiniment plus que dans tous les autres arts.
  • Il y a communication entre un émetteur A, le scripteur du texte (ou canevas, ou scénario), et un récepteur A', les spectateurs, le public.
  • La communication entre A et A' se fait à l'aide de toute une série de messages médiats, lesquels ont pour source une série d'émetteurs B1, B2, B3..., qui sont le metteur en scène, le scénographe, l'éclairagiste, les comédiens. À proprement parler, on ne sait plus qui est l'émetteur principal, l'auteur, ou le metteur en scène ou les comédiens. Cette indécision est la base même de la communication théâtrale; c'est elle qui fait du théâtre non pas un médium par lequel un individu parle à un autre individu, mais une activité par laquelle une collection d'artistes, unis dans le même projet, parle à une collection d'individus unis dans la même activité, la réception du théâtre.
  • La communication théâtrale se fait aussi sur un plan interne: elle est communication entre les émetteurs B... que sont les comédiens, qui communiquent entre eux par parole et par geste. Ce qui fait des spectateurs des récepteurs qui reçoivent le spectacle d'une communication interne, communication dont ils sont les récepteurs indirects: ils peuvent juger et comprendre un procès de communication dans lequel ils ne sont pas impliqués; telle est l'origine de la vertu critique du théâtre.
  • Le spectateur reçoit donc deux types de messages: les uns (ceux provenant de l'ensemble de la représentation A) dont il est proprement le récepteur; d'autres (et certains se confondent avec les premiers) dont il est à la fois le récepteur et le spectateur: ce sont ceux qui montrent les rapports entre les personnages.

Une semaine de théâtre


Maintenant que Février- l'insaisissable Février! - est bel et bien en selle dans le cycle inaliénable des saisons et qu'une nuée opaque et dense de flocons de neige laisse échapper, à qui veut l'entendre, de faibles gémissements lorsqu'elle entre douloureusement en contact avec le sol, voici quelques dates théâtrales pour la prochaine semaine:

De mercredi à samedi (les 11, 12, 13 et 14 février 2009)
Salle Pierrette-Gaudreault, 20h
C'est la dernière semaine de représentations d'Une maison face au nord, une (co-)production du Théâtre La Rubrique, avec notamment Guy Mignault, Louisette Dussault, Éric Chalifour et Sara Simard. Pour quelques commentaires sur le spectacle, se référer ici et/ou ici.

C'est tout? Bon ben... tant pis, sortons la pelle et allons gratter!

vendredi 6 février 2009

L'entraînement du comédien


La Patti était une chanteuse d'opéra (soprano colorature)... une femme de scène pour qui le travail de l'interprète (à lequel on peut accoler également le sens d'acteur) au quotidien était une chose importante.. voire nécessaire: Lorsque je reste un jour sans travailler, je m'en aperçois. Lorsque je reste deux jours sans travailler, mes amis s'en aperçoivent. Lorsque je reste trois jours sans travailler, le public s'en aperçoit.

Si l'on prend le bassin de comédiens du Saguenay...

Entre deux productions - parfois espacées de plusieurs mois... parfois même de quelques années! - que font ceux-ci pour maintenir, disons, la forme et la technique? Comment ceux-ci travaillent-ils leur évolution? La travaillent-ils seulement?

Le jeu de l'acteur (tout comme la mise en scène, le chant, l'athlétisme!) demande un entraînement rigoureux... une curiosité nourrissante... tout au moins constant un intérêt qui ne devrait pas paraître seulement en cours de répétition.

Il ne peut guère y avoir d'évolution sans que chacun s'implique dans un travail personnel...

jeudi 5 février 2009

Toujours aussi encourageant...


Petite nouvelle parue aujourd'hui, qui ne nous apprend rien de nouveau. Elle ne fait que renfoncer un peu plus le clou de la lucidité pour tous ceux qui se démènent pour survivre... Bon, d'accord, peut-être aurions-nous dû faire autre chose dans la vie!

(Mario Cloutier, La Presse, 5 février 2009) Dur, dur d'être des artistes en 2009. Avant même le début de la récession, l'écart entre leurs revenus moyens et ceux de l'ensemble de la population active s'était creusé pour atteindre 37 % au Canada, révèle une nouvelle étude.

Une nouvelle étude de Hill Strategies, basée sur les données du recensement de 2006, démontre que les conditions de vie des artistes au Canada sont très loin de s'améliorer. Même si l'on trouve désormais 140 000 artistes au Canada, leur revenu moyen annuel s'élève à 22 700 $, comparativement à 36 300 $ pour l'ensemble des travailleurs canadiens.

«Le portrait est plutôt sombre, convient le président de Hill Strategies, Kelly Hill. J'ai été surpris de constater à quel point les revenus des artistes avaient chuté depuis 2001 et le dernier recensement. Il faudrait que les artistes gagnent près de 2 milliards de plus afin de rejoindre la moyenne canadienne.»

En 2001, on comptait 131 000 artistes au pays dont le revenu moyen était légèrement supérieur, soit 23 500 $, à celui de 2006. L'écart des revenus entre les travailleurs, artistiques et autres, n'était alors que de 23 %.

«On ne peut pas expliquer la hausse de l'écart entre 2001 et 2006 que par l'augmentation du nombre d'artistes, souligne M. Hill. Entre 1991 et 2001, il y a eu une très forte croissance du nombre d'artistes, mais les revenus avaient aussi grimpé.»

Personne ne sera surpris d'apprendre que c'est dans les arts que l'on retrouve le plus grand nombre de travailleurs autonomes. Près des deux tiers d'entre eux, 62%, gagnent en moyenne moins de 20 000 $ par an. En fait, en 2006, le revenu moyen des artistes dépassait à peine le seuil de faible revenu au Canada en 2006 pour une personne célibataire vivant en ville.

Plus instruits, moins payés

Mais les mauvaises nouvelles ne s'arrêtent malheureusement pas là. Les artistes sont de plus en plus âgés, instruits, tout en étant moins bien payés. On retrouve deux fois plus de bacheliers dans les arts que dans le reste de la population active, mais l'écart entre leur revenu moyen et celui de la population active ayant la même éducation atteint 53 %.

«En plus, note Kelly Hill, les artistes restent beaucoup plus longtemps en emploi que le reste des travailleurs. Une partie d'entre eux le fait par choix, mais c'est surtout une autre indication de la faiblesse de leurs revenus.»

Parmi neuf professions artistiques recensées, ce sont les danseurs qui gagnent le revenu moyen le moins élevé, 13 167 $, suivi des artistes en arts visuels, 13 976 $, et des musiciens, 14 439 $. À l'autre bout du spectre, les producteurs et réalisateurs gagnent en moyenne 43 776 $ par an et les auteurs et écrivains, 32 045 $.

Par ailleurs, l'équité salariale est loin d'être acquise dans le domaine des arts. Plus de la moitié des artistes sont des femmes, 53 %, alors qu'elles représentent 48 % de la population active totale. Et elles gagnent en moyenne 19 200 $, soit 28 % de moins que le revenu moyen des hommes artistes.

Le grand malentendu théâtral!

Dessin tiré de l'Univers de Mordan

Une petite boutade - dont j'ignore la source - explique d'une manière fort imagée comment le dialogue théâtral peut être faussé... comment la réception artistique s'avère être une chose d'une étonnante complexité... une communication rompue à chaque étape:

L'auteur rêve d'écrire une pièce... pourtant, il en écrit une autre. Le metteur en scène en met en scène une troisième. Le comédien en joue une quatrième. Les médias en critiquent une cinquième et le public en reçoit finalement une sixième.

Tous font preuve - du moins, c'est souhaitable! - de bonne foi. Malheureusement, la subjectivité peut faire des ravages... et ainsi de suite, dans un théatrocentrifugistisme incontrôlable. C'est ce que l'on appelle (ré-)interprétation!

mercredi 4 février 2009

L'ère du soupçon

Alberto Giacometti

Une bonne part du théâtre contemporain s'attache à exhiber les principes de la représentation dramatique, accentuant la théâtralité des images et du corps au détriment du sens et de l'action autrefois représentée par les moyens de la mimésis. La nouvelle culture de la performance, qui exige une implication accrue du spectateur, invite aussi celui-ci à s'interroger sur sa propre perception, tandis que la mise en scène contemporaine s'attache à faire de chaque spectacle une expérience à partager.
Mireille Habert, Apprécier le théâtre contemporain, texte et mise en scène

C'est le règne des corps monstrueux (Castelluci), de la technologie (Lepage, Wilson, Régy), du théâtre postdramatique (Lehmann), de la performativité...

C'est le règne de ce théâtre qui se fait pourtant de plus en plus pour de initiés.

C'est le règne de ce théâtre duquel s'éloigne pourtant de plus en plus la masse.

mardi 3 février 2009

Une maison face au Nord... une expérience auditive!!!


Pour plus d'informations, cliquer sur l'image

Communiqué pour diffusion immédiate du Théâtre La Rubrique (qui propose une expérience auditive spéciale):

Dans le cadre de la «Semaine de la Canne Blanche 2009», le Théâtre La Rubrique accueillera un groupe de personnes handicapées visuelles à l’occasion d’une représentation spéciale d’Une maison face au Nord.

Le vendredi 6 février dès 20h, le spectacle sera décrit sur la fréquence radiophonique de la salle Pierrette-Gaudreault, le 105,9 FM, afin de bonifier leur sortie au théâtre. La Rubrique invite donc toutes les personnes handicapées visuelles à assister à cette représentation toute particulière du spectacle, alors que tous les sens seront mis à profit !

Cette initiative a été rendue possible grâce à l’implication des intervenants du Centre Hospitalier de Jonquière et de l’Association des non-voyants du Saguenay Lac-St-Jean.

Pour ceux et celles qui désirent entendre la description visuelle du spectacle sur les ondes du 105,9 FM, nous vous demandons d’apporter votre propre émetteur FM muni d’écouteurs personnels.

Une soirée perdue

(Alfred de Musset, Poésies nouvelles)

J'étais seul, l'autre soir, au Théâtre Français,
Ou presque seul ; l'auteur n'avait pas grand succès.
Ce n'était que Molière, et nous savons de reste
Que ce grand maladroit, qui fit un jour Alceste,
Ignora le bel art de chatouiller l'esprit
Et de servir à point un dénouement bien cuit.
Grâce à Dieu, nos auteurs ont changé de méthode,
Et nous aimons bien mieux quelque drame à la mode
Où l'intrigue, enlacée et roulée en feston,
Tourne comme un rébus autour d'un mirliton.
J'écoutais cependant cette simple harmonie,
Et comme le bon sens fait parler le génie.
J'admirais quel amour pour l'âpre vérité
Eut cet homme si fier en sa naïveté,
Quel grand et vrai savoir des choses de ce monde,
Quelle mâle gaieté, si triste et si profonde
Que, lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer !
Et je me demandais : Est-ce assez d'admirer ?
Est-ce assez de venir, un soir, par aventure,
D'entendre au fond de l'âme un cri de la nature,
D'essuyer une larme, et de partir ainsi,
Quoi qu'on fasse d'ailleurs, sans en prendre souci ?
Enfoncé que j'étais dans cette rêverie,
Çà et là, toutefois, lorgnant la galerie,
Je vis que, devant moi, se balançait gaiement
Sous une tresse noire un cou svelte et charmant ;
Et, voyant cet ébène enchâssé dans l'ivoire,
Un vers d'André Chénier chanta dans ma mémoire,
Un vers presque inconnu, refrain inachevé,
Frais comme le hasard, moins écrit que rêvé.
J'osai m'en souvenir, même devant Molière ;
Sa grande ombre, à coup sûr, ne s'en offensa pas ;
Et, tout en écoutant, je murmurais tout bas,
Regardant cette enfant, qui ne s'en doutait guère :
" Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat."

Puis je songeais encore (ainsi va la pensée)
Que l'antique franchise, à ce point délaissée,
Avec notre finesse et notre esprit moqueur,
Ferait croire, après tout, que nous manquons de coeur ;
Que c'était une triste et honteuse misère
Que cette solitude à l'entour de Molière,
Et qu'il est pourtant temps, comme dit la chanson,
De sortir de ce siècle ou d'en avoir raison ;
Car à quoi comparer cette scène embourbée,
Et l'effroyable honte où la muse est tombée ?
La lâcheté nous bride, et les sots vont disant
Que, sous ce vieux soleil, tout est fait à présent ;
Comme si les travers de la famille humaine
Ne rajeunissaient pas chaque an, chaque semaine.
Notre siècle a ses moeurs, partant, sa vérité ;
Celui qui l'ose dire est toujours écouté.

Ah ! j'oserais parler, si je croyais bien dire,
J'oserais ramasser le fouet de la satire,
Et l'habiller de noir, cet homme aux rubans verts,
Qui se fâchait jadis pour quelques mauvais vers.
S'il rentrait aujourd'hui dans Paris, la grand'ville,
Il y trouverait mieux pour émouvoir sa bile
Qu'une méchante femme et qu'un méchant sonnet ;
Nous avons autre chose à mettre au cabinet.
Ô notre maître à tous, si ta tombe est fermée,
Laisse-moi dans ta cendre, un instant ranimée,
Trouver une étincelle, et je vais t'imiter !
J'en aurai fait assez si je puis le tenter.
Apprends-moi de quel ton, dans ta bouche hardie,
Parlait la vérité, ta seule passion,
Et, pour me faire entendre, à défaut du génie,
J'en aurai le courage et l'indignation !

Ainsi je caressais une folle chimère.
Devant moi cependant, à côté de sa mère,
L'enfant restait toujours, et le cou svelte et blanc
Sous les longs cheveux noirs se berçait mollement.
Le spectacle fini, la charmante inconnue
Se leva. Le beau cou, l'épaule à demi nue,
Se voilèrent ; la main glissa dans le manchon ;
Et, lorsque je la vis au seuil de sa maison
S'enfuir, je m'aperçus que je l'avais suivie.
Hélas ! mon cher ami, c'est là toute ma vie.
Pendant que mon esprit cherchait sa volonté,
Mon corps savait la sienne et suivait la beauté ;
Et, quand je m'éveillai de cette rêverie,
Il ne m'en restait plus que l'image chérie :
" Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat. "

Vugarisation?

Sur ce blogue, on me reproche parfois d'être difficile à suivre, d'être trop pointu pour le commun des mortels, pour le spectateur moyen.

Soit...

D'une part, je n'ai pas l'ambition d'être un vulgarisateur, un spécialiste d'un domaine qui tente de rendre sa discipline accessible au grand public (Encarta)... du moins, pas dans l'acception du terme signifiant simplification. Je me fie fondamentalement à l'intelligence du lecteur et surtout à sa curiosité qui le poussera à chercher plus loin pour approfondir certaines des notions apportées ici. Je crois, par ailleurs, que tout spectateur peut, s'il se donne la peine, se mesurer avec les plus brillants des théoriciens.

Cet espace, tout médiateur culturel qu'il soit, correspond d'abord et avant tout à un besoin personnel de noter des idées qui me sont propres... et, peut-être égocentriquement (!), de croire que ce qui m'intéresse peut intéresser quelqu'un d'autre.

Que tous ne comprennent pas la même chose mais que tous comprennent quelque chose, pour paraphraser Mesguish, serait, en quelques sortes, mon leitmotiv... Les clarifications viendront en temps et lieux.

D'autre part, comme le disait Luchini dans cette phrase que j'ai notée il y a quelques semaines, si je fais du théâtre, c'est pour passer un moment de pure exigence d'intelligence, de drôlerie et de vérité.

Je ne suis pas un vibrant passionné qui parle ou écrit avec ses tripes en puisant profondément dans les sentiments et l'expression. Non. Je me définirais plus comme un intellectuel, un rationnel qui cherche à comprendre les mécanismes du théâtre, à définir les cadres de la pratique actuelle (principalement saguenéenne), à faire des liens entre spectacles et abstractions littéraires. J'aime la stimulation théorique et m'en nourris grandement.

C'est donc dans cette optique que j'aborde la plupart de mes billets... et advienne que pourra. De toute façon, je demeure ouvert en tout temps pour éclairer, au besoin, quiconque en fait le souhait.

lundi 2 février 2009

Exposition virtuelle

Site mis en forme par le Service des archives et de gestion des documents de l'UQAM et présenté comme une exposition virtuelle sur le théâtre... Pour voir cette exposition, cliquer sur l'image!

Dans cette maison face au nord...

Henri (Guy Mignaut) et Larry (A.-J. Henderson)
Photographie: Rocket Lavoie, Le Quotidien


La toute dernière (co-)production du Théâtre La Rubrique, Une maison face au nord, souligne de belle façon le trentième anniversaire de cette compagnie.

Encore une fois, le Théâtre La Rubrique puise et brode autour de son sujet de prédilection: la famille. Le texte de Jean-Rock Gaudreault (dont j'ai découvert - mea culpa! - l'écriture la semaine dernière en assistant à Une histoire dont le héros est un chameau et le sujet est la vie du TAC Théâtre...) dépeint la (fin de?) vie d'un couple qui voit tout s'effondrer autour de lui sur fond de patriotisme, de xénophobie et de désillusion. Ce qui pourrait sombrer dans une entreprise fleur bleue réussit brillament à émouvoir, à percuter, à toucher.

Oscillant entre drame familial et comédie de moeurs, Une maison face au Nord aborde des sujets sérieux tels l’exode des régions, l’intégration des immigrants, le conflit des générations et le pays, tout en dédramatisant le propos grâce à l’humour dont l’auteur assaisonne son texte.

Évidemment, ce texte - plutôt simplement mis en scène par Jacynthe Potvin... - est porté par une distribution plus que professionnelle! Outre Louisette Dussault en mère forte mais incapable d'exprimer sa colère, Marcello Arroyo en Guatémaltèque aterrissant à Chicoutimi, Éric Chalifour et Sara Simard en exilés au passage obligé, la découverte de ce spectacle est résolument Monsieur Guy Mignault, directeur artistique du Théâtre Français de Toronto qui crée un Henri complexe tout aussi borné qu'ouvert aux autres, bourru que tendre, lucide que rêveur. Une solide performance... avec une omniprésence tout au long de la première partie! Mention spéciale pour A.-J. Henderson, le voisin polonais envahissant qui devient confident. Les scènes entre ces deux hommes montrent deux acteurs au sommet de leur art...

Un élément fort de ce spectacle est la scénographie de Serge Lapierre: un mur de fenêtres surplombant un immense cube (lui-même installé sur un plancher-plan à la Dogville de Lars von Trier) duquel émergent différentes parties qui deviendront mobilier - table, chaises, coffres, etc. Ce type d'espace tout en évocation permet de réelles compositions esthétiques sans pourtant sacrifier à l'utilitaire... permet de comprendre tous les lieux sans pourtant les montrer. Combiné à la lumière et aux effets disons atmosphériques, il pourrait devenir ce que d'aucuns nomment une redoutable machine à raconter.

Une belle production... avec peu de réserves...