vendredi 10 juillet 2020

Une opinion qui se discute... et des coups de griffes!

Ce qui est bien, avec les vieux articles de journaux, c'est de constater, avec le recul des années, les fondements (ou pas) de telle ou telle opinion... la vision (ou pas) d'artisans convaincus sur le coup... l'authenticité (ou pas) des thèses... la pérennité (ou pas) des projets annoncés! 

Un trio de comédiens de passage à Chicoutimi en février 1970 y vont d'une entrevue percutante avec le journaliste du Soleil (publié le 10 février 1970):






dimanche 5 juillet 2020

Théâtre vs cinéma



Comme la peinture a dû se repositionner avec l'avènement de la photographie, le théâtre s'est vu confronté coup sur coup à trois médias de masses, trois nouvelles technologies, qui ont drainé une importante part du milieu culturel de leur époque: la radio, le cinéma, la télévision.

La compétition est féroce... et le théâtre a souvent été donné perdant. 

Voici un article qui va dans ce sens publié dans le journal Le Jour (je l'ai déjà dit, c'est le journal de mes vacances!) du 29 mars 1941:



jeudi 2 juillet 2020

Vera Komissarjevskaïa - une actrice russe





Parmi les grandes actrices de l'histoire du théâtre (souvent présentée comme la plus grande de son époque), il y a cette figure venue de la Russie: Vera Komissarjevskaïa. Une comédienne qui aura une brève mais fulgurante carrière. 

Elle débute en 1893 sur les scènes impériales. C'est elle qui créera le fameux rôle de Nina dans La Mouette de Tcheckhov, au Théâtre Alexandrinski en 1896, une pièce qui sera très mal accueillie, au point où, humiliée, l'actrice en perdra la voix! (Le chef-d'oeuvre ne trouvera son triomphe qu'avec Stanislawski deux ans plus tard... avec une autre distribution.)

C'est aussi une femme de tête qui dirigera, dès 1904, son propre théâtre: le Théâtre dramatique Kommisarjevskaïa à Saint-Pétersbourg.

Intéressée au théâtre d'avant-garde elle invite en 1906 Meyerhold (qui a claqué la porte du Théâtre d'Art), metteur en scène, pour explorer une nouvelle esthétique symboliste, plus en phase avec le répertoire qui s'édifie et qui ébranle les colonnes du temple théâtral. Ensemble, pendant plusieurs mois, ils s'attaqueront aux plus grandes pièces, avec parfois des succès retentissants et parfois des échecs monumentaux: Hedda Gabbler d'Ibsen, Soeur Béatrice de Maeterlinck, La Baraque de foire de Blok, Pelléas et Mélisande de Maeterlinck et plusieurs autres (dont Wedekind et Sogoloub). (Cet article raconte bien toute cette histoire.)

Mais vite l'actrice se sent instrumentalisée au profit des expérimentations du metteur en scène qui prend de plus en plus de place. Elle lui signifie donc assez brutalement son renvoi. Elle confie en 1907 son théâtre à son frère, Fedor, puis à une autre grande figure, Evreinov. 

Elle quitte la scène en 1909 pour une tournée, rapidement contrariée par la variole dont elle meurt en 1910. Son cortège funéraire (la photo qui illustre ce billet) sera suivie par des milliers de personnes qui lui rendront, par là, un vibrant hommage. 

Pour la voir - elle était magnifique - je vous invite fortement à parcourir l'exposition virtuelle - avec de magnifiques photographies! - qui lui est consacrée sur ce site russe. (Et avec un bon traducteur pas trop loin pour comprendre les légendes!)


mercredi 1 juillet 2020

De la critique...

Je suis encore dans Le Jour - indépendant politique, littéraire et artistique... mais cette fois, dans l'édition du 3 décembre 1938. Je n'ai pas lu l'ensemble des articles et je ne connais donc pas la valeur journalistique de ce papier. 

Toutefois, en matière théâtrale, les chroniqueurs sont en phase avec leur temps, avec ces années '30 qui verront la véritable implantation d'un théâtre professionnel: réclamation d'une dramaturgie national, d'une véritable école de formation de l'acteur, d'une rigoureuse réforme dans toutes les sphères de la pratique.

L'article publié dans l'édition citée plus haut se penche, pour sa part, sur une fort bonne réflexion sur la critique:


Comme quoi la question de la critique, au théâtre, ne date pas d'hier! 

mardi 30 juin 2020

Analyse féroce du mélodrame - autopsie de clichés

Je suis en vacances... et pendant celles-ci, je suis entrain de passer au travers tous les numéros du journal Le Jour - indépendant politique, artistique et littéraire... d'où la récurrence de cette source d'informations depuis les quelques derniers billets.

Hier, j'ai publié un petit entrefilet qui donnait une brève histoire d'un mélodrame, genre extrêmement prisé dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle qui se poursuivra pendant une bonne partie du vingtième. (Wikipédia en donne une bonne définition.)

Dans l'édition du 12 mars 1938, le critique y va - avec une mauvaise foi manifeste comme plusieurs éprouvait envers le genre mélodramatique - d'une descriptions exhaustive d'un mélodrame... comme d'une autopsie de clichés.


Le journaliste n'a pas donné beaucoup de détails... ni la pièce, ni l'auteur, ni la troupe! J'ai tenté de retrouver de quel mélodrame il s'agissait... et c'est dans Le Soleil du 14 novembre 1936 que j'ai pu glané d'autres indices: 


C'est finalement L'Action Catholique du 21 novembre 1936 (dans un article dont je ne trouve pas le début!) qui nous donnera le plus d'informations:


lundi 29 juin 2020

Une drôle de réclame...


Par ce petit entrefilet du journal Le Jour, du 31 décembre 1937, nous avons un bon aperçu du type de théâtre qui se faisait à l'époque - cette belle époque du mélodrame! - et de ce qui provoquait de l'urticaire chez plusieurs spectateurs! 

dimanche 28 juin 2020

Un dur constat!

La survie du théâtre au Québec a souvent été débattue. Notre (relative) petite population, si longtemps coupée de sa culture d'origine, si occupée à se développer, si couvée par le clergé et les élites anglophones avait bien d'autres chats à fouetter que se faire nid d'accueil pour l'art dramatique. 

Et pourtant, le théâtre résiste et s'implante. Par les grandes tournées américaines et européennes des années 1850-1900. Par le mélodrame et le burlesque. Par les amateurs d'abord... puis avec une certaine professionnalisation au tournant du vingtième siècle.

Dans les années '30, plusieurs intellectuels - appuyés en cela par des critiques dramatiques comme Jean Béraud et par des initiatives artistiques comme Les Compagnons de Saint-Laurent - réclament alors une réforme en profondeur du théâtre, une véritable professionnalisation, un soutien étatique, une solide formation. 

Tous sont d'accord? Sûrement pas. 

Voici une opinion sans détour exprimée par Louis Pelland - qui, si je ne me trompe pas, se consacrera tout de même au théâtre - dans le journal Le Jour: indépendant politique, littéraire et artistique, vendredi le 16 juillet 1937 (c'est d'ailleurs, le premier numéro de ce journal... et j'y reviendrai sûrement!):


Ce qui me fait penser, par ailleurs, que je veux écrire un billet sur Le Maître de Forges de Georges Ohnet (qui est l'une des pièces les plus jouées au Québec entre 1870 et 1920)...

samedi 27 juin 2020

De la catharsis...



Nous avons plaisir à regarder les images les plus soignées
des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité,
par exemple les formes d'animaux parfaitement ignobles ou de cadavres.
Poétique, 48 b 9 

Ce que le poète doit produire, c'est le plaisir qui, par la représentation,
provient de la pitié et de la frayeur. 
Poétique, 53 b 12

La tragédie, en représentant la pitié et la frayeur,
réalise l'épuration de ce genre d'émotions.
Poétique, 49 b 24

Ce sont là, les énoncés qui mènent, chez Aristote, à la fort complexe et discutée notion de catharsis que doit provoquer le théâtre (entendre ici, la tragédie). Quiconque a eu des cours d'histoire des arts dramatiques s'est vu confronté à cette théorie et a dû, au moins une fois j'imagine, la redonner dans ses propres mots au cours d'un examen! 

Voici donc une petite description synthétisée, relativement claire, tirée de l'Introduction aux grandes théories du Théâtre de Jean-Jacques Roubine, publié en 1990 chez Bordas:

La finalité [du plaisir théâtral] n'est pas le plaisir lui-même, mais l'amélioration et l'apaisement du coeur. [...]

C'est là énoncé le fameux principe de la catharsis sur quoi se pencheront des générations de glossateurs. Or ce terme qui n'a jamais trouvé de traduction irréfutable (purgation? purification?) Aristote ne l'utilise qu'une seule fois et ne juge pas nécessaire d'en proposer une définition explicite, comme s'il s'agissait d'un concept trivial d'une utilisation tout à fait courante. Cependant, dans la Rhétorique, il élabore une définition des deux émotions motrices de la catharsis.

Ces deux émotions douloureuses, explique-t-il, se distinguent par l'orientation de l'affect. Dans le cas de la pitié, il s'agit d'une émotion altruiste: je m'apitoie au spectacle de la souffrance qu'un homme subit sans l'avoir mérité. La frayeur, elle, est une émotion égocentriste: je suis effrayé à l'idée que je pourrais, moi-même, essuyer la calamité à la représentation de laquelle j'assiste.

[...]

Le paradoxe de la catharsis est que le plaisir de la représentation procède de deux émotions qui sont éprouvés comme désagréable.

Le plus fascinant, c'est le fait qu'Aristote ait rédigé sa Poétique autour de 335 av. J.-C.... mais plus d'un millénaire plus tard, l'aristotélisme (et donc, cette catharsis) prendra le haut du pavé au sortir de la Renaissance pour s'établir comme fondement du classicisme français! 

vendredi 26 juin 2020

Une (autre) opinion sur Sarah Bernhardt


J'ai souvent écrit sur Sarah Bernhardt. Et je le ferai encore ce matin. Parce qu'en plus de sa fascinante carrière, de sa vie elle-même théâtrale, elle avait ce don, lors de ses passages en sol américain, de déchaîné les passions. Les plumes des journalistes et chroniqueurs étaient, plus souvent qu'autrement, trempées dans le vitriol... donnant des petits morceaux de littératures journalistiques à la rhétorique acerbe. Pour preuve, les billets déjà publiés ici, ici, ici et ici

Le Libre-Parole, journal de Québec, ne laissait pas sa place dans le concert des critiques quasi diffamatoires. En fait foi cette publication du 3 mars 1906:


Le signataire, JLK Laflamme, est un notable de Québec, ancien procureur et fondateur de la Revue Franco-Américaine parue entre 1908 et 1913 (dont on peut feuilleter ici les différents numéros).

jeudi 25 juin 2020

Petit retour sur l'apparition du metteur en scène


Depuis quelques billets (lectures obligent!), il est beaucoup question de l'avènement du metteur en scène... situé autour des années 1880 (en fait, le terme daterait, selon le Dictionnaire encyclopédique du Théâtre de Michel Corvin, de 1874) dans la foulé de ce que plusieurs théoriciens nomment la crise du drame: modernité des textes qui ne supportent plus l'illusion et la perspective des scènes d'alors, courants artistiques variés qui chamboulent l'approche du jeu, retard manifeste du théâtre (empêtré dans les conventions, les trucs et le vedettariat) par rapport aux autres arts, etc.

Par là, j'entends metteur en scène dans son sens et sa fonction contemporains. 

Est-ce donc dire que le metteur en scène était complètement absent avant? 

Bien sûr que non. Il y avait bien l'ordonnateur des spectacles, ou l'auteur, ou le régisseur, ou le directeur de troupe (qui bien souvent était lui-même comédien... comme Molière), ou l'animateur. Dans tous ces cas de figures, leur tâche étant principalement de faire la distribution et de donner les grandes lignes des déplacements sans se soucier particulièrement de l'esthétique (dans des décors fixes ou des décors établis par la convention, dans des des costumes  qui rivalisaient en magnificence au détriment de la vérité du personnage, sans véritable vue d'ensemble alors que l'accent était mis principalement sur la ou les vedettes de la troupe).

Ce qui est nouveau, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, c'est la conscience que [le metteur en scène] prend de son rôle artistique et la mission qu'il se fixe. Ordonnateur du jeu théâtral, interprète de l'oeuvre écrite, il devient l'un des principaux créateurs du spectacle. Il lui appartient de choisir les modes d'expression et les techniques qu'il juge utiles à la représentation de l'oeuvre, et de les réformer si nécessaire. [...] Le metteur en scène recherche les moyens les plus propres à la réalisation scéniques des intentions contenues dans l'oeuvre écrite. Il lui appartient de coordonner le jeu - voix, gestes, rythme - le décor, les effets visuels et sonores, de faire du spectacle une création intégrale. (Le décor de théâtre, Denis Bablet)

Conjuguée aux nombreuses expériences de l'époque (qui toucheront le texte, le jeu, la scène), l'apparition du metteur en scène transformera, en quelques années, le visage du théâtre.

mercredi 24 juin 2020

Un auteur promis à un grand avenir... sauf que nous ne savons pas de qui il s'agit!

En ce jour de la Fête Nationale du Québec, je cherchais, dans les archives, un sujet de théâtre patriotique. Et je suis tombé, par hasard, sur ce petit entrefilet paru dans Le Quotidien (un journal du dix-neuvième siècle... et non pas celui publié chaque jour au Saguenay!) du 11 juillet 1879:


Cette lecture - outre le sentiment de succès pour l'avenir de la littérature canadienne - pose quand même une sérieuse question sur son utilité: de qui s'agit-il? de quelle pièce? Difficile de faire le suivi de ce triomphe putatif! 

Difficile aussi de tirer quelque indice que ce soit sur la seule mention de l'un des épisodes les plus émouvants de notre histoire... notre dramaturgie est traversée de part en part de faits historiques, de considérations sur les grands personnages, les faits patriotiques, la langue... 

Louis Fréchette? Il a déjà 40 ans à l'époque... donc plus vieux que jeune. Antoine Gérin-Lajoie? Il est quinquagénaire. Pierre Petitclair? Il est mort depuis 19 ans... 

Rien pour aider la postérité! Mais que de fierté et d'enthousiasme!

Bref, un petit article qui fait le bonheur d'un chercheur d'anecdotes étonnantes! 

mardi 23 juin 2020

Quand la danse inspire le théâtre



Dans l'histoire du théâtre - et plus précisément encore, dans l'histoire du théâtre de cette fascinante fin du dix-neuvième, début du vingtième siècle - de grandes réformes sont venues non pas de la littérature mais de la danse. Et fait remarquable dans cette histoire plutôt masculine, ces réformes sont portées par deux femmes: Isadora Duncan et aussi, sujet de ce billet, l'Américaine Loïe Fuller (qu'on peut voir dans la vidéo ci-haut captée autour de 1900... et/ou qu'on peut lire ici).

S'agit-il vraiment de danse? Oui, si comme le veut Loïe Fuller, la danse est d'abord mouvement, le mouvement expression d'une sensation, la sensation résultant de l'effet produit sur notre corps par une impression ou une idée. Le mouvement est pour elle le point de départ de toute expression, il est fidèle à la nature. Seul il traduit la vérité de la sensation.

La danse de Loïe Fuller se passe de décor, elle se déroule sur un fond de tentures uni, sombres, univers imprécis, capable de toutes les suggestions. [...]

La caractéristique essentielle des spectacles de Loïe Fuller réside dans la primauté de la lumière. Pour la première fois la lumière électrique devient un facteur essentiel du spectacle; colorée, mobile, elle joue sur le corps en mouvement de la danseuse qu'elle fait jaillir de l'ombre, elle joue sur les voiles de gaze que la danseuse, prise dans le feu du projecteur, agite ryhtmiquement. La forme mouvante n'est qu'un écran pour la lumière qui l'anime, la transforme à l'infini en une nouvelle féérie. S'il n'y a pas de décor au sens traditionnel du terme, la lumière crée le décor modulé comme une musique. Les couleurs se succèdent ou se marient ou se complètent selon des gradations concertées. Loïe Fuller qui, à ses débuts, ne conçoit que des danses éclairées chacune d'une lumière dotée d'une couleur déterminé, multiplie ses recherches: elle danse bientôt sur «une dalle de feu», elle envisage plus tard de projeter les colorations que recèle une goutte d'eau, elle crée des ballets phosphorescents, utilise des jeux de glaces, et joue de l'ombre portée. Spectacle où tout est fluide, sans signification trop précise, recherche formelle, prétexte au rêve, éveil de l'imagination. Elle ouvre la voie à une mise en scène fondée sur l'utilisation concertée de la lumière créatrice d'Espace et de métamorphoses visuelles, facteur émotionnel et dramatique. (Tiré du livre Le décor de théâtre de Denis Bablet).

Par son art, Fuller deviendra la muse incontestée  des symbolistes!

Bien sûr, la vidéo qui coiffe ce billet, avec son rythme saccadé (voire syncopé) du vieil appareil de prise de vues et sa colorisation en post-production, ne donne pas une juste idée de l'impression évanescente qui devait se dégager de son art. Voici plutôt ce à quoi cela devait ressembler (tiré du biopic de 2017 qui lui est consacré, La danseuse) dans un véritable contexte de représentation (avec, en prime, le son du tissus et la respiration!):