mercredi 10 février 2010

«Concerto pour toussottements et papiers froissés»

Assis dans une salle de spectacle, quoi de plus frustrant que les faits décrits par Dario Fo dans Le gai savoir de l'acteur (paru en 1990 et traduit ici par Valeria Tasca):

Dans le théâtre sérieux, n'allez pas croire que la réaction du public ne soit pas perceptible. D'abord il y a le silence, et le moindre murmure ou frisson fait comprendre si on est ou non dans le droit chemin. Les sièges grincent ou les pas de ceux qui s'en vont sont un signal infaillible. De mauvais esprits prétendent qu'on a introduit moquette et velours pour éviter aux acteurs la honte de s'apercevoir que le public s'ennuie. Autre signal, la toux... pire que les sifflets et bruits de bouche divers. Quand le public commence à tousser, on peut déclarer forfait et renoncer à jouer. Des gens qui n'ont jamais eu un rhume de leur vie, dès qu'ils arrivent au théâtre, ont des accès de toux et des chats dans la gorge. Il y a aussi les papiers de bonbons: quand on s'ennuie, on fouille dans ses poches ou dans son sac, et on retrouve toujours le bonbon datant de 1932 qu'on se met à dépiauter, cric, cric, crac, en faisant un bruit tel qu'on le croirait enveloppé dans de la tôle.

Qui n'a pas vécu cette horreur auditive - qu'il soit comédien ou spectateur? Et on nous fait grâce des discussions entre madame et monsieur qui reconnaissent l'acteur ou pour qui une réplique a été échappée. On y passe sous silence (c'est le cas de le dire), de la volée des programmes qui crépitent de toute part. Quiconque fréquente les salles de spectacles a des anecdotes du genre!

Et pourtant... nos publics d'aujourd'hui sont, apparemment, moins bruyants que ceux de l'ancien temps!


1 commentaire:

  1. « Quand le public commence à tousser, on peut déclarer forfait et renoncer à jouer. »

    Et nous aussi...

    Oui, tellement déstabilisant que d'entendre le concert dérangeant de toutes ces gorges "froides", lors de LA REINE MARGOT, il y a quelques semaines, un peu plus c’était moi qui sortais « de scène » tellement c’était agressant pour MA concentration. J’imagine combien ça peut l’être pour l’Acteur. Je me suis demandé pourquoi je n’avais à peu près rien entendu lors de LIMBES, là où y avait régné un silence presque absolu. J’ai senti là tout le respect des spectateurs vis-à-vis de ceux qui jouaient POUR eux. Un silence de brique, un peu comme si nous assistions « à une grand-messe de l’ancien temps », quand il ne fallait pas dire un mot de tout le spectacle, à partir du moment où on entrait dans le temple pour prendre place dans notre banc.

    Une idée farfelue comme ça (pour le théâtre de l’avenir): pourquoi ne pas encager individuellement tous les spectateurs dans des isoloirs vitrés, comme pour les mettre « sous vide », pour garantir un silence, pour les assourdir (ou les abasourdir), ainsi, on étoufferait tous les bruits qui dérangent l’Acteur et l’on apaiserait par ce fait toute la fureur contenue dans les intérieurs du Saint-Spectateur .

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