mardi 24 juin 2014

L'Église contre «Les Fées ont soif»


Le dernier grand coup de censure qu'a connu le Québec date de 1978, lors de la présentation de la pièce Les Fées ont soif de Denise Boucher, au T.N.M. À l'époque, manifestations de grenouilles de bénitier, pétitions, ordonnances de la cour et, bien sûr, Église, condamnent cette scandaleuse production (par ailleurs fortement applaudie!) où la femme est présentée en trois figures: la mère, la prostituée et la Vierge. (Cette petite histoire a fait l'objet d'une émission de Tout le monde en parlait qu'on peut visionner ici.)

Voici ce qu'en dit, à l'époque (le 29 novembre1978!... dans des mots qui pourrait avoir été écrits par Mgr Saint-Vallier en 1694 ou encore par Mgr Bourget en 1868 ou ces autres prédécesseurs), dans les pages du Devoir, Monseigneur Grégoire, archevêque de Montréal:

Des femmes et des hommes de tous âges et de toutes conditions éprouvent présentement une gêne, une souffrance même, devant la présentation d'une pièce de théâtre qui les atteint dans leur dignité de personnes et dans leur fois religieuse. Ils sont blessés par des propos et des tableaux qui heurtent profondément leur conscience humaine et chrétienne. Assuré d'être bien informé, grâce aux appréciations qui me parviennent de la part de membres du Conseil diocésain de pastorale et d'autres personnes tout à fait dignes de confiance, je veux m'adresser ici à ceux et à celles que cette pièce offense et leur dire la part que je prends à leur tristesse, à leur déception ou à leur indignation. 

Au témoignage de personnes consultées, il est pénible de constater que, sous prétexte de soutenir la cause de la promotion de la femme, on ait recours à des procédés qui misent sur la vulgarité, le mépris et la dérision en présentant une pièce où l'on aborde un thème religieux sans le moindre égard pour la croyance des gens. Il est particulièrement pénible pour des chrétiens de constater que l'on donne une présentation loufoque de la Vierge dont fait un pantin, une invention de la domination masculine, une fiction responsable de l'aliénation des femmes. Il y a bien autre chose ici qu'une entreprise visant à éliminer un stéréotype de la Vierge qui la présenterait sous des traits désincarnés. Il y a, plus radicalement, une négation du personnage historique de Marie, une parodie d'un culte que des siècles de foi ont élaboré, à partir de l'Orient mystique jusqu'à nos jours. Il y a une moquerie, qui devient cynique et intolérable, de l'action de l'Esprit dans le monde. Il y a enfin une volonté de nier toute valeur à la virginité et de saper tout fondement spirituel à l'existence humaine.

Les catholiques  veulent respecter le droit des autres à leurs croyances. Mais ils gardent le droit de ne pas accepter les affronts et celui de protester, au nom de l'élémentaire respect dû à la culture humaine et religieuse de notre société, contre le mépris et le ridicule dont on voudrait le couvrir.

[...] À tous ceux et à toutes celles qui, devant la présentation de ce spectacle, se sentent blessés dans leur dignité et dans leur foi, je veux donc dire que je participe à leur peine ou à leur irritation. Je veux les inviter, en ces circonstances, à approfondir leurs convictions touchant la dignité de la femme et le rôle magnifique que Dieu lui a confié dans le monde. Seul le respect exigeant qu'on aura de la femme dans son être total, corps et âme, coeur et esprit, sera source, pour elle, de véritable libération.

À noter que la pièce Les Fées ont soif sera remontée durant la saison 2014-2015, du 16 septembre au 11 octobre, au Théâtre La Bordée par Alexandre Fecteau. 

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