Photographie de Georges Banu dans son appartement parisien (Lea Crespi/Pasco, Le temps)
Petit extrait d'un petit ouvrage magnifique paru en 2013 chez Actes Sud sous la plume de Georges Banu (grand universitaire et essayiste français) avec un titre intriguant: Amour et désamour du théâtre. Le sujet en est simple (et double à la fois... donc complexe!): quelles sont les raisons qui poussent quelqu'un à aimer le théâtre? quelles sont les raisons qui poussent quelqu'un (parfois la même personne!) à le détester?
À travers de multiples dualités, il y a de beaux morceaux de théories, de réflexions théâtrales comme seules Banu sait écrire... comme cette partie consacrée à la chair comme principal vecteur du théâtre:
La chair produit de la pensée sur un plateau quand elle perturbe et dérange, quand elle suscite de l'imprévu, quand elle ne conforte pas une attente et ouvre une brèche vers l'inconnu. [...] La chair aujourd'hui, comme jadis, dans des cas hors normes, séduit par ce qu'elle apporte comme supplément inattendu à l'apparition scénique de l'être textuel. La chair qui pense est la chair qui ne se présente pas comme pensante, mais engendre cet effet de surprise individualisée lié à une prestation d'acteur à même de déranger ou dérouter. La pensée de la chair c'est la poésie qui s'en dégage. Partage entre la scène et la salle. Émotion de la présence, émotion des sens. Cela malgré l'acteur, car il en est le porteur, mais nullement le décideur. [...] La chair sert de creuset dont le spectateur bénéficie. [...]
Absence/présence: couple qui peut être rompu au profit exclusif de l'un ou l'autre des termes, selon les époques et les artistes. Couple mutilé par tout écart abusif, car au théâtre, le plaisir provient de l'alliance entre des mots sans chair et de la chair qui parle. Entre ce qui préexiste et ce qui s'actualise. Le théâtre s'appuie sur l'acte fondateur du verbe qui se fait chair. Verbe ancien ou venu d'ailleurs, chair immédiate, présente ici, sur le plateau!
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