Voici une lettre de Monseigneur Louis-Nazaire Bégin, archevêque de Québec (après avoir diriger le diocèse de Chicoutimi quelques années auparavant), qui donne sa position sur la création d'une nouvelle compagnie en remplacement d'une autre, moins morale.
Une lettre qui reste, il va sans dire, dans la ligne éditoriale de l'Église (canadienne) de l'époque.
Cette publication vient du journal hebdomadaire La Vérité du 26 janvier 1895.
Archevêché de Québec
Québec, le 12 janvier 1895
Monsieur le curé,
J’ai reçu hier une
lettre au sujet de la réorganisation projetée d’un théâtre à Québec et je suis heureux d’apprendre : 1- qu’à
l’assemblée tenue à l’Hôtel Frontenac, le 10 courant, les catholiques présents
ont parfaitement reconnu à l’autorité religieuse diocésaine le droit et le
devoir de défendre aux fidèles d’assister au théâtre, quand elle le juge
nécessaire; 2- que la nouvelle compagnie entretient sur le théâtre des idées
tout à fait différentes de celles qui ont généralement cours parmi les acteurs
français, et qu’elle veut s’appliquer à respecter les lois de la morale et les
sentiments religieux de la population; 3- que le nouveau gérant s’engage
formellement à se conformer aux vues de l’autorité religieuse et à ne donner
que des pièces absolument morales; 4- que, pour arriver à ce résultat, un
comité spécial de citoyens sera chargé de veiller à la parfaite moralité des
spectacles.
J’avais défendu sous peine de péché mortel d’assister au
théâtre de la salle Jacques-Cartier pour les graves motifs que l’on sait.
Maintenant que cette compagnie n’existe plus et qu’il s’agit d’une organisation
toute différente, je ne puis maintenir contre cette dernière la condamnation que
la précédente avais si bien méritée.
Mais je ne puis m’empêcher de vous dire avec quel profond
chagrin je verrais se réaliser le projet d’établir un théâtre permanent à
Québec. Je le regarderais comme un fléau au double ploint de vu moral et
matériel : on accoutumerait ainsi notre peuple à une jouissance dont il ne
pourrait plus se passer; on lui créerait un besoin de nouveau luxe, de vie
factice, un surcroît de dépenses inutiles; on lui ferait abandonner bien vite
ces réunions intimes du foyer, où chacun se repose des fatigues du jour sans
danger pour les mœurs, sans détriment pour la bourse et où les liens sacrés de
la famille ne font que se resserrer pour le plus grand bonheur de tous.
L’Église catholique regarde avec grande raison le théâtre
moderne en général comme plein de dangers et elle met les fidèles en garde même
contre les pièces considérées par un certain public comme inoffensives.
Jugez alors de mes justes craintes quand j’apprends que
pour reconstituer la nouvelle compagnie, on se propose d’employer certains
acteurs et actrices qui ont poussé l’ignorance ou le manque absolu de sens
moral jusqu’à jouer et répéter dans notre ville de Québec des pièces absolument
mauvaises. Vous comprenez que cette affaire entraîne avec elle une grave
responsabilité que je ne veux assumer en aucune manière.
Veuillez agréer, monsieur le curé, l’Assurance de mon entier
dévouement.
En d'autres termes, nous pourrions résumer cette lettre en Oui mais... ah et puis finalement, non!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Si vous avez un commentaire à faire, ça peut se passer ici: