jeudi 12 mai 2011

Le choc des conceptions

J'ai eu, il y a quelques jours, une discussion avec Jean-Paul Quéinnec (auteur, metteur en scène et professeur en théâtre à l'UQAC) autour du théâtre en général et de son travail (comme praticien, chercheur et pédagogue) en particulier. Sur mes questionnements à propos de la densité, dans chacune de ses productions, des propositions et leur multiplicité (emmêlant décentrements des actions scéniques et intégrations de médiums contemporains) qui pourrait fort bien être le sujet de cette description du travail de Richard Schechner(1): De fait l'unicité du point de vue qui était, selon Richard Schechner, la marque du théâtre orthodoxe disparaît: le point de vue devient multiple, partiel. On ne cherche plus à unifier ou à homogénéiser l'expérience théâtrale, mais à la diviser ou, plutôt, à l'individualiser. De la même façon, le texte est envisagé en tant que matériau. Il indique plusieurs tracés possibles et devient une carte dont les contours se redessinent en fonction des interactions.

Pour un adepte comme moi du théâtre disons fondamentaliste (caricaturé par un texte, un acteur, un spectacteur), ce foisonnement de dialogues interdisciplinaires en travers la trame du texte, cette ouverture du sens et son éclatement bousculent mes propres conceptions théâtrales centrées principalement sur le focus scénique (sur le jeu, notamment) que je qualifierais presque d'intégriste (alors qu'il y a une réduction minimale voire une absence de la technique - lumière, son-, de décors...). Un choc de visions. Des remises en questions qui ne pourront, au final, qu'être bénéfiques pour un art en constante évolution.
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(1) SCHECHNER Richard, Performances, expérimentation et théorie du théâtre aux USA, Éditions Théâtrales, 2008 (Introduction, par Anne Cuisset, p. 118)

mercredi 11 mai 2011

Jusqu'à tout récemment...


Un petit cours d'histoire sur l'excommunication systématique qui frappait tous ces impies que furent les comédiens européens... une histoire qui prend ses sources dans un passé bien engoncé dans les imbroglios religieux du XVIIième siècle et qui se termine... en 1922! Autant dire hier.

Au même titre que les concubins, les usuriers et les sorciers, les comédiens sont, par décision de certains évêques, au milieu du XVIIième siècle, exlcus de la communion de l'Église catholique.

C'est une conséquence directe du changement de statut des comédiens: de saltimbanques, ils sont devenus professionnels. Pour des raisons économiques, les femmes montent, alors, sur scène. Elles ne manquaient pas d'être victimes du harcèlement sexuel des spectateurs privilégiés: c'en est fait de leur réputation qui retombe sur la profession toute entière. Il faudra attendre 1922 pour que le pape Pie XI, sur la demande de Georges Le Roy, comédien et professeur au Conservatoire (Gérard Philipe fut son élève), obtienne la suppression de l'excommunication.

Cette petite notice vient du petit ouvrage Le Théâtre: ses métiers, son langage, paru en 1994 sous la plume de Agnès Pierron.

mardi 10 mai 2011

Vers le premier «Forum sur le théâtre au SLSJ»

Le projet tient toujours la route, et même plus. À quelques semaines de l'événement, le comité organisateur s'est réuni se matin pour mettre faire un suivi sur le plan d'action d'ici le 12 juin prochain.

Dans les jours à venir partiront les communiqués aux médias de même que les invitations et le document préparatoire (avec les thèmes et les pistes de réflexions) pour les participants.

Bien sûr, l'intérêt de la chose repose essentiellement sur la présence d'un plus grand nombre possible de gens du théâtre, du haut du Lac au fin fond du Saguenay, des petits jeunots aux vieux de la vieille, des universitaires aux artisans sur le tas, des administrateurs de compagnies aux praticiens de tout ordre (concepteurs, metteurs en scène, comédiens, auteurs).

Il y un milieu théâtral dans la région, c'est indéniable. Un milieu dynamique... et surtout, étonnamment diversifié. Un milieu très grand. Un milieu tout rose et tout beau? Peut-être... et peut-être pas. À coup sûr, il cependant de l'entretien. Et si nous pouvions l'améliorer?

Tous ceux qui font du théâtre sur le territoire sont concernés. Toutes les opinions, les commentaires, les impressions, les propositions sont nécessaires... qu'ils soient positifs ou négatifs.

La Rubrique recherche...

Le Théâtre La Rubrique est à la recherche d'une personne pour tenir ses communications. D'ailleurs, l'annonce de cette quête court présentement sur Facebook sous une forme que je présente ici (une belle job de graphisme par Jean-François Caron qui contribuera, de cette façon, à se faire remplacer!):


Ça donne envie d'appliquer, non?

lundi 9 mai 2011

L'Affaire de la rue Lourcine [Carnet de mise en scène]


Les œuvres de Labiche sont les descendantes directes d'un genre précis: le vaudeville (qu'on confond généralement avec le théâtre de boulevard). Elles partagent, avec ce type de théâtre, des caractéristiques un peu encombrantes pour le metteur en scène d'aujourd'hui.

Anne Ubersfeld, dans Les termes clés de l'analyse théâtrale définit bien ce vaudeville: Genre de comédie légère avec musique et chansons, dont l'origine un peu incertaine est très ancienne (et sans doute liée à des fêtes populaires), mais qui trouve sa vogue à la fin du XVIIIième siècle et dans la première moitié du XIXième siècle. Comédie «morale» (on peut y amener des enfants), elle se charge d'incidents burlesques, de quiproquos et de reconnaissances . La musique y joue un rôle très important: rarement originale, elle se nourrit d'airs populaires anciens ou contemporains. [...]

Ces dernières lignes définissent bien également la structure de L'Affaire de la rue Lourcine: un texte (relativement court) entrecoupé de plusieurs airs qui ont une importance dramaturgique réelle. Toutefois, les airs, bien qu'indiqués, ne se retrouvent guère. J'ai donc fait le choix de remplacer ces morceaux musicaux (et parodiques) anciens par des équivalents très contemporains... disons très années '70-80-90. Des airs populaires, oui... dont le kitsch des paroles (un peu revues pour les ajuster au contexte) et de la mélodie se marient très bien avec l'action scénique et l'intrigue.
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Les textes de cette période théâtrale (entre 1850 et 1920) me plaisent particulièrement. J'aime bien leur côté bien fait, leur perfection stylistique, dramaturgique et scénique. Des textes qui délaissent généralement la psychologie pour la caricature où souvent les personnages se définissent par leur nom ou leur métier. Des textes denses qui utilisent abondamment les diverses ressources pour faire surgir les rires. Des textes trop souvent négligés - voire méprisés - alors qu'ils demandent pourtant, aux metteurs en scène et interprètes, une technique, une virtuosité, un contrôle constants et sans faille.

dimanche 8 mai 2011

Au théâtre, cette semaine! (du 8 au 14 mai 2011)


Quelques dates sont à retenir en cette semaine fort commune de mai. Quelques rendez-vous qui valent la peine de la pause, du détour.

Jeudi et vendredi - 12 et 13 mai 2011
Salle François-Brassard (Jonq.), 19h30

Les finissants en Arts et Lettres (profil interprétation) du Cégep de Jonquière présenteront leur dernière production académique avant que de ne poursuivre pour les uns dans un lieu voire un autre programme. Sous la direction de Chantale Dubé, ils seront dix à se commettre avec le texte de Jacques Languirand, Les Insolites. Sous le concept de l'enfance se cache des personnages hauts en couleur et complètement absurdes, qui recherchent le sens de leur vie. Dans un bar, c'est la quête de l'amoureux perdu. Un homme étrange viendra annoncer la mort de l'un d'entre eux. On s'accuse les uns et les autres. Qui sera le meurtrier? Si meurtrier il y a bien entendu… Parmi ces étudiants se trouvent les cinq qui ont participé, en mars dernier, à l'Antigone de Sophocle présentée par le Collectif N.A.T.A.S. et le Théâtre 100 Masques.

Vendredi - 13 mai 2011
Au Sous-Bois (Café Cambio, Chicoutimi), 20h

Le Théâtre À Bout Portant tient son activité bénéfice, le Rapport d'Impro 2011. Pour 15$, les gens sont invités à une soirée de théâtre improvisé, suivi du spectacle de Phano. Une soirée des plus époustouflantes, où musique, théâtre, DJ, mascottes, animation... sont de pair. Dix comédiens fougueux, des histoires savoureuses, une prestation musicale hors du commun. Un événement à ne pas manquer, l'occasion de venir fêter le printemps en bonne compagnie, avec un bon spectacle et dans une toute nouvelles salle.

Jeudi à samedi - 12 au 14 mai 2011
(et dimanche - 15 mai 2011)
Salle Murdock (Chicoutimi), 20h
PREMIÈRE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre du Faux Coffre redonne le solo du plus engagé des Clowns noirs, Trac: ma vie en théâtrascope. Pour rafraîchir la mémoire, il est possible de lire, sur les blogues, différents compte-rendus et opinions sur ce spectacle (qui sera, à ce que j'ai cru comprendre, actualisé): d'abord le mien (Trac ou sa vie en théâtrascope); celui de Jack aime/Jack n'aime pas (Mots etc.); celui de Spécial du jour (Sur les traces de Trac); celui d'Orage sur océan (Patrice Leblanc... Le rire noir de Trac); celui de Daniel Côté du Quotidien (Trac: un clown noir en théâtrascope).

Voilà. Si j'oublie des trucs, on peut les ajouter dans les commentaires.

samedi 7 mai 2011

L'Affaire de la rue Lourcine [Carnet de mise en scène]



L'Affaire de la rue Lourcine en chantier devrait se voir aujourd'hui rallonger de trois nouvelles scènes.

Déjà, le travail effectué tourne autour d'une petite demie-heure.

Le plan de travail est toujours de mise. Si la précision et la rigueur ne sont pas nécessairement au point, les rires fusent cependant et je crois que l'on a, entre les mains, une comédie efficace, aussi drôle que physique! Si je m'en tiens au calendrier, un premier enchaînement complet devrait avoir lieu d'ici deux petites semaines (le 21 mai pour être plus précis). Alors, nous aurons une vue d'ensemble sur la pièce, son rythme, ses personnages, ses dynamiques.

Pour cette production, le texte est pris comme matière de base qui peut se voir (et se voit!) modifié, d'abord pour accommoder la distribution en terme de personnages masculins et féminins, revu et corrigé pour lier des situations, des gestes, réécrit pour réintégré des répliques chantées (chose commune dans les vaudevilles). Au final, L'Affaire de la rue Lourcine, version Théâtre 100 Masques, ne sera pas de mais d'après Labiche, la partie originale couvrant peut-être 75-80% de l'oeuvre scénique.

D'ailleurs, dans la même veine, il me faudrait retrouver la source de cette citation qui me convient fort bien et que j'endosse: je ne joue pas un texte je joue avec un texte.

Maintenant, il nous faudra nous concentrer sur toute la recherche esthétique de cette production: scénographie, costumes, lumières, accessoires.

vendredi 6 mai 2011

Tautologie

La théâtralité ne peut se penser hors d'elle-même!
L'envers de la théâtralité
n'est encore que de la théâtralité.

Patrice Pavis, Vers une théorie de la pratique théâtrale

jeudi 5 mai 2011

Le texte comme une série de figures


Le texte théâtral (et son énonciation) se compose, si l'on se colle à la matière brute, à la partition, d'une série de figure (apparemment limitée) qui, s'agençant entre elles, créent le rythme, le sens et, au final, l'interprétation. Une série de figures comme un coffre à outils, un vocabulaire formel à maîtriser pour faire des combinaisons nouvelles, des complémentarités, des ruptures.

Dans un cadre de recherche sur la théâtralité et la performativité, il m'apparaît essentiel de les aborder l'une après l'autre, de les définir et leur donner un contour précis.

En voici une liste (qui n'est peut-être pas exhaustive) établie par Michel Vinaver dans son ouvrage Écritures dramatiques, essais d'études de textes de théâtre paru en 1993 (pp. 901-903) aux éditions Acte-Sud:

La parole théâtrale se compose d'un nombre limité de figures textuelles répartit en quatre catégories:

1) FIGURES TEXTUELLES FONDAMENTALES S'APPLIQUANT À UNE RÉPLIQUE OU UNE PARTIE DE RÉPLIQUE: attaque, défense, riposte, esquive, mouvement-vers

2) AUTRES FIGURES TEXTUELLES S'APPLIQUANT À UNE RÉPLIQUE OU À UNE PARTIE DE RÉPLIQUE : monologue, récit, plaidoyer, profession de foi, annonce, citation, soliloque, adresse, discours composites

3) FIGURES TEXTUELLES S'APPLIQUANT À UN ENSEMBLE DE RÉPLIQUES: duel, duo, chœur, polyphonie

4) FIGURES TEXTUELLES RELATIONNELLES S’APPLIQUANT À UNE RÉPLIQUE DANS SA RELATION AVEC LE MATÉRIAU TEXTUEL QUI PRÉCÈDE : bouclage, effet-miroir ou écho, répétition-variation, fulgurance.


Ces figures participent à refonder le rapport au texte non pas sur la fable, l'intrigue mais sur sa forme, sa construction.

mercredi 4 mai 2011

Vision théâtrale

Jean-Luc Lagarce

[...] En tant que spectateur, je n'arrive pas à croire au présent du théâtre: non, ça ne se passe pas là, devant moi, en ce moment! Je ne peux pas m'empêcher de considérer ce qui a lieu sur la scène comme ayant déjà eu lieu, comme étant répété, comme ayant déjà été entendu... Et les spectacles qui prétendent ne pas tenir compte de cela ne me paraissent pas justes. Je n'aime pas les acteurs qui jouent en feignant de ne pas savoir comment l'histoire va finir. D'autant plus que, très vite, une pièce se charge de traces.

Ces mots sont de Jean-Luc Lagarce, dramaturge français (décédé à la fin du XXième siècle) dont l'oeuvre est constituée de pièces fortes et théâtralement efficaces. De beaux morceaux de théâtre... notamment Music Hall... où il ne s'agit pas de viser à un discours globalisant mais de frapper le lecteur phrase par phrase, sans souci de cohérence immédiate. Ils sont tirés d'une entrevue publiée en 1995 (quelque six ans après sa mort), dans le 125ième numéro de Mégaphonie.

Toujours est-il que la citation d'ouverture décrirait bien ma propre vision du théâtre comme non pas une imitation de la vie, mais comme une construction de codes et de conventions, un jeu qui doit s'assumer et se montrer. Par la forme, le contenu.

D'ailleurs, pour revenir à Music Hall, il faut dire que cette pièce fait partie du corpus (cinq textes) utilisé dans le cadre de mes recherches au doctorat.

mardi 3 mai 2011

Coup(s) de théâtre!

Soirée enlevante hier soir...

Pas théâtrale mais presque...

Avec des drames, des tragédies et, dans des cas précis comme l'élection dans Berthier-Maskinongé, de l'absurde... Les coups ont porté. La mise en place présumée en début de campagne s'est métamorphosée par un deus ex machina incontrôlé: la volonté populaire.

Dans un contexte d'un gouvernement conservateur majoritaire, qu'adviendra-t-il notamment de l'art et de la culture? Peut-être serait-il temps, maintenant, que le Québec se prenne réellement en main.

lundi 2 mai 2011

La Visite [Carnet de mise en scène]

En-avant: Denis Lavoie et Ursule Garneau
Au centre: Sonia Tremblay, Joan L'Espérance et Emmanuelle Girard
Derrière: Luc-Antoine Cauchon, Gervais Arcand et Jean-Sébastien Montpetit

Quelques mots sur La Visite ou surtout sentez-vous pas obligés de venir qui a pris fin samedi dernier, dans une apothéose publique alors que scène et salle étaient électrisée par la fébrilité de l'ultime représentation.

Enfin, je me repose. Le stress peut enfin laisser la place au recul et à l'analyse des résultats. Je suis sincèrement content que ça ait bien été avec cette production... du moins de ce que j'en ai vu et ce que j'en ai su. Parce qu'avec toutes les épreuves traversées en cours de travail (du jour de la distribution à la première), le plaisir et l'enthousiasme ont été constamment minés par des éléments extérieurs à la création... et pour la première fois, j'ai douté. Pire, j'ai crains!

Une belle équipe, oui. Des gens fantastiques, oui. De beaux moments, oui.

Et pourtant...

Même si, dans l'ensemble, le travail s'est fait dans les rires, avec engagement (quoique douloureux dans le contexte de cette année), cette production aura été, pour moi, celle des regrets et des déceptions, des contrariétés et des impuissances. Non pour ce qui a été fait (que j'assume encore parce que j'y crois) mais pour ce qui n'aura pu être. Pour le temps manqué (et ce n'est pas là une vaine plainte convenue!). Pour tout ce qui, après coup, aurait pu nourrir la création.

Au final, toutefois, le succès (parce que c'en fut un!) a pu atténuer ces impressions! Un succès unanime? Probablement pas. Mais après tout, ce n'est pas là la réussite. Celle-ci résulte dans ce qui, jour après jour en répétition nous manquait et qui, soir après soir en représentation, faisait que la pièce pouvait prendre son envol: l'esprit d'équipe et le plaisir. Les comédiens et les concepteurs ont fait là un travail honnête, exigeant, rigoureux... et, jusqu'à la première, fichtrement angoissant!!!

Mais voilà. Le rideau est maintenant tombé.