dimanche 15 mars 2020

Un extrait (thématique!) de ma pièce EMPIRE...


Gravure sur bois d’après un dessin d’Alfred Rethel de 1847.


Du quartier maudit s'est élevée une émanation malsaine
Une couche délétère 
Implacable

Létale

Un brouillard de germes 

D'est en ouest 
Du nord au sud

Un fléau foudroyant

Une contagion 
Presque visible tant son effet fut fulgurant
Ses conséquences funestes

Dans l'enceinte des fortifications l'air s'est vite surchargé

Des litres de chaux vives furent déversés sur le charnier
Tentatives d'aseptisation

Mais les enfants de la Cité succombèrent 
Les uns après les autres
Tous

Les médecins
Les apothicaires 
Les guérisseurs
Même les charlatans
Tous épuisèrent leur érudition en cataplasmes
En comprimés
En sangsues 
En vain

C'est là un des points tournants du récit qui entraîne inexorablement le Peuple et la Cité vers leur déclin, leur chute. À coup de décrets. Je pourrais me targuer d'être visionnaire... mais non. Ce passage a été écrit à l'été 2018, en référence à une épidémie d'Ebola qui faisait les manchettes. 

samedi 14 mars 2020

Comme un relent du passé 2...

Je reste dans cette grande thématique d'actualité (après ce billet d'il y a quelques jours...).

Comment aussi, en ces temps de pandémie et d'annulations de représentations, ne pas penser à cette grande faucheuse que fut l'épidémie de grippe espagnole de 1918 qui a fait des millions de morts... Pour contrer le mal, la fermeture des salles des spectacles avait notamment été décrétée.

Voici donc, comme une résurgence du passé qui trouve aujourd'hui un drôle d'écho, une bien mince partie de la revue de presse de l'époque (avec, bien sûr, des articles concernant la fermeture des théâtres)...

Le Devoir, 7 octobre 1918:


Le Soleil, 7 octobre 1918:


Le Devoir, 9 octobre 1918:


L'Action Catholique, 9 octobre 1918:


Le Samedi, 19 octobre 1918:


jeudi 12 mars 2020

Comme un relent du passé...


À la fin du 16ième siècle, entre 1592 et 1594, alors que Londre subit les ravages de la peste, on prend la décision de fermer tous les théâtres... accusés, notamment, d'être des foyers d'infections, tant physiques que moraux! Tout ça, dans le but, évidemment, d'éviter la propagation et la contagion. 

Difficile de ne pas y penser, en ces temps troubles de pandémie alors que d'un peu partout sur la planète (et ici, au Québec, pour les rassemblements de plus de 250 personnes), les fermetures d'institutions et de lieux publics sont annoncées.


mercredi 11 mars 2020

Du fonctionnalisme de l'espace.


Nous avons formulé un jour cette exigence relative à notre travail: 
tout ce qui se trouve sur scène doit être un moyen de jeu 
et doit être utilisé en tant que tel. 
Dans la mesure du possible, 
il ne doit pas y avoir de masse morte. 

Telle est la philosophie scénographique de Thomas Ostermeier. Une philosophie esthétique que je partage pleinement! Voilà l'essence même du fonctionnalisme! Pour lui, la scène est un outil dont le but premier est de servir le jeu du comédien.

Intéressant (et tiré de la revue Études théâtrales, no. 58, Le théâtre de Thomas Ostermeier)!

lundi 9 mars 2020

Quand être immoral coûte cher...

Depuis quelques temps (et mon blogue en est une preuve tangible!), mes recherches sur l'histoire du théâtre m'entraîne du côté de morale, de la vertu et de leur outil principal de sauvegarde: la censure! Le sujet est inépuisable... et toujours fascinant dans son aspect désuet. Mais est-il si désuet? Parfois, on peut presque se le demander... 

Au grands maux les grands remèdes... 

L'échevin (de la ville de Montréal) L. A. Lapointe fait adopter, le 31 octobre 1907 un règlement sur l'Observance du Dimanche et des bonnes moeurs et de la décence. Quelques temps plus tard, le pauvre a dû apporter un amendement à son règlement (tiré de La Presse... mais je n'ai pas retenu la date....):


Mais il n'en resta pas là. Le 23 avril 1912, le Devoir prend acte d'une autre de ses batailles: censurer le jeune cinéma qui commence à s'implanter. Le journaliste aimerait que ça aille plus loin... jusque sur la scène du théâtre! Le tout, dans une rhétorique qui ne nous surprend plus...:


dimanche 8 mars 2020

Une danseuse... en prison

En fouillant dans les archives, je tombe parfois sur des personnages haut en couleur... surtout à une époque marquée par une censure toujours à l'affût. Comme, par exemple, cette Millie de Leon, une artiste américaine de la scène burlesque. Une danseuse, pour être plus précis.


Voici une petite biographie du personnage, que j'ai trouvé dans Vaudeville old & new: an encyclopedia of Variety performers in America:


Elle est apparue sous mon radar, par le biais d'un article de La Presse du 3 mai 1909... où il est question du scandaleux spectacle qu'elle a donné.


Voici, le même jour mais dans un autre journal (et un autre ton, jouant beaucoup plus sur les effets mélodramatiques), Le Canada, un autre compte-rendu, plus détaillé et plus anecdotique de la cause:




Difficile de bien saisir de quoi il retourne. Car si d'une part, oui, les danses dans les spectacles burlesques faisaient la part belle au corps et à la sensualité, il faut aussi se rappeler que la pudibonderie de l'époque est quelque peu excessive. L'indécence d'alors est bien sage comparée à la nôtre...  Quand on regarde les images de ce temps, l'adage qui dit Autre temps, autre moeurs prend tout son sens.


Le journal La Vérité, dans un excès de vertu, y va de son papier, le 8 mai de la même année: 



L'histoire (et ma brève recherche dans les journaux d'alors) ne dit pas si elle reviendra sur nos scènes par la suite... 

samedi 7 mars 2020

Les désastres de la censure...

Le journal L'Autorité (journal montréalais paru entre 1913 et 1955) publie le 28 octobre 1916, une charge à fond de train contre la censure théâtrale imposée à Québec. 


La belle époque!

J'aurais bien aimé retrouvé la pièce en question (ou l'auteur), mais il semble qu'elle se soit évaporée dans les méandres de l'éphémère théâtre. Tout comme les traces de cette troupe Lucien Bonheur. Dommage... 

vendredi 6 mars 2020

Question d'espace

Je viens de mettre la main sur une série de revues des années 70, La grande réplique, qui traitait de théâtre sous toutes ses formes. De fortes intéressantes revues qui se présentaient ainsi: La Revue du Théâtre de la Grande Réplique vise deux buts. Faire d'une part, le point sur des problèmes essentiels en art dramatique en questionnant des traditions et en ouvrant des voies. Consigner d'autre part, des analyses, des recherches originales et des comptes-rendu de spectacles dans le but de fournir aux gens d'ici des matériaux pour alimenter de nouvelles passions.

En feuilletant l'une des revue, je tombe sur celle qui parle de scénographie (vol.1 no.3, 1978)... et qui y va d'une distinction des différentes approches:

LE DISPOSITIF SCÉNIQUE

Le dispositif scénique ou plateau architecturé, est une modulation de l'espace sans représentation de lieu aucun, qui a pour fonction première de favoriser les déplacements des comédiens, l'accent étant mis sur la mise en scène et le jeu de l'acteur.

[...]

LE DÉCOR D'ÉLÉMENTS

Le décor d'éléments est un compromis entre le dispositif scénique ou scène architecturée et la reconstitution d'un lieu. Il est une solution possible à la multiplicité des décors et peut donc recouper le décor simultané. C'est un décor fractionné, morcelé, dans un lieu unifié ou non. Ses éléments peuvent être fixes ou mobiles, praticables ou non. 

[...]

LE DÉCOR TRADITIONNEL

Sont regroupés ici un certains nombre de décors dont la caractéristiques commune est d'évoquer un lieu, avec plus ou moins de liberté par rapport au modèle. Une marge de jeu existe, avec des nuances infinies, depuis le naturalisme jusqu'à la suggestion la plus fantaisiste. Les époques et les mouvements artistiques y ont tour à tour inscrit leur style souvent en opposition les uns avec les autres. Nous regroupons les décors de ce type sous trois grands titres: le décor réaliste, le décor stylisé et le décor interprété.

LE DÉCOR RÉALISTE

Nous parlerons d'abord de ceux qui veulent décrire un lieu avec le maximum de vérité, ce que l'on nomme communément le réalisme. Le but est de donner au spectateur le plaisir de reconnaître un milieu de vie, qu'il peut vérifier dans ses souvenirs, comme dans les époques passées on vérifie d'après les documents des archéologues, d'où la recherche de l'objet vrai, du détail de vie.

[...]

LE DÉCOR STYLISÉ

Contrairement au réalisme formel qui cherche à décrire un lieu avec le maximum d'exactitude dans les détails, la stylisation part d'un désir de simplifier les formes sans perdre pour autant leur caractère propre, sans non plus tendre à les exagérer. L'exagération mène à la caricature ou à l'expressionnisme, alors que la perte du caractère nous amènerait vers une interprétation de l'objet. La simplification formelle dite stylisation pourra s'exprimer par des méthodes appartenant respectivement à la peinture et à la sculpture.

LE DÉCOR INTERPRÉTÉ

Le réalisme au sens strict n'existe pas en art. Nous avons cependant qualifié de réalistes toutes les tentatives qui s'inspiraient de la réalité pour la rendre le plus fidèlement possible. Nous pouvons parler d'interprétation quand la réalité qui sert de point de départ est traitée librement. Dans ce cas, on ne veut pas faire croire au spectateur que le mur qu'il voit est un vrai mur. On veut le faire participer à une réaction définie au départ comme subjective. 

jeudi 5 mars 2020

Première? Check!

La première d'Empire a été faite hier soir. C'est donc dire que pour la première fois, j'ai regardé la représentation à travers 31 paires d'yeux. Moment auquel je n'habitue jamais.


La première rencontre avec le public (c'était pratiquement complet) a eu lieu. Le premier regard. Le premier échange. La première prise à partie. Parce que c'est aussi de cela qu'il s'agit: parler au spectateur. 


C'est alors passer des répétitions dans le vide, avec une vague conception de ce que produira le dispositif, de ce qu'impliquera la proximité - cette fusion salle-scène - à une présence réelle, concrète, multiple. Le défi est grand: ajuster le jeu, les déplacements, l'élan (et le destinataire) de la parole, la concentration (devant les pieds qui balancent, les corps qui se meuvent à la recherche de confort, la gêne d'être ciblé, etc)... tout en gérant l'impondérable stress de la première fois, de la validation. 

Bref, le travail des représentations est bellement amorcé. L'expérience d'hier soir apportera sans conteste son lot de questionnements, de remarques, de nouvelles directives et propositions. Le tri entre les commentaires reçus et nos propres perceptions devra se faire dans le but d'atteindre un niveau d'interprétation solide et efficace. 

Et maintenant que la glace est cassée, les comédiennes pourront renouer avec cet élément essentiel du théâtre qu'est le plaisir. Plaisir de dire. Plaisir de faire. Plaisir d'être sur cette mince ligne fragile qu'impose cette production, tracée entre l'horreur et le poétique, le détachement et le récit. 

mercredi 4 mars 2020

Le théâtre en crise...


Le 22 juin 1935, le journal montréalais La Renaissance publie un article de Louis Pelland sur la crise qui secoue le milieu théâtral du début des années '30. Manque de ressources. Amateurisme. Domination du burlesque et du mélodrame. Théâtre à la chaîne. 

Il faut dire qu'à l'époque, ils (les intellectuels) sont plusieurs à réclamer un minimal soutien de l'état, une formation de base, un professionnalisme, une réforme de l'art dramatique... qui viendra quelques années plus tard (1938), avec l'arrivée des Compagnons de St-Laurent et Gratien Gélinas.


Quelques jours plus tard (le 13 juillet 1935), il en remet une couche:


Que dirait-il aujourd'hui?

lundi 2 mars 2020

La cohorte théâtrale de l'UQAC 2020...

C'est maintenant terminé pour la cohorte d'étudiants de troisième année du BIA à l'UQAC. Et ceux en théâtre (ils étaient trois) ont terminé avec de belles propositions scéniques!


Tout d'abord, Marie Brisson a présenté un monologue, À voir de Jean-Paul Quéinnec. Une prestation dont on m'a dit beaucoup de bien (mais malheureusement, je n'ai pas pu le voir, étant hors de la région). Un texte fort intéressant d'une femme, cloîtrée dans son petit et minable appartement, qui s'imagine mettre en scène, entre ses murs, un spectacle à grand déploiement. Une mégalomanie théâtrale qui faillira. 


Étienne Genest  y est allé d'un théâtre documentaire, Café Royal, qui retrace, en quelques sortes, son parcours familial ou plus précisément, celui de son père, par l'histoire de son grand-père et du restaurant qu'il a opéré dans les années 50-60. 

Le public est aussi invité à y participer, à répondre, à figurer, à se déplacer.

Ici, les comédiens reprennent des personnages ayant existé et existant toujours. Des confessions. Des confidences. Entre les envies des uns, les égarements et les déceptions des autres, une trame se déroule, touchante... notamment par l'apport du père d'Étienne, aussi sur scène. Une plongée intime qui ne craint pas l'improvisation, le décrochage, la complicité, la taquinerie. 


Marie-Gaëlle Verspecht a plongé, avec son équipe, dans un théâtre performatif, Das ist Berlin. Avec des corps qui se mélangent, qui se croisent, qui se confrontent, qui s'aguichent. Un cabaret - danses et chants - sous le signe de la chair, de la pulsion, des sens. Une orgie des genres, de la fluidité. Une décadence, aussi... 

Sur une trame musicale en continue, les images se suivent pour former un espace d'interrogations, de questionnement, sur le rapport à soit, le rapport à l'autre, le rapport à l'espace. Le public ne peut dès lors qu'être pris à partie, dans une proximité qui peut, parfois, frôler le malaise. 

jeudi 27 février 2020

''Le manque de courage du milieu théâtral''

Voici un texte fort, un texte puissant d'Évelyne de la Chenelière paru le 17 novembre 2007 dans Le Devoir (qu'on peut trouver ici, page B5,  sur le site de la BaNQ), quelques jours après les Seconds États Généraux sur le théâtre... Un regard sévère. Sans fard. Sans pitié. Sans tabou. 

Une vision que je partage... Mais c'est tellement facile, de la partager, quand nous ne sommes pas impliqués... 

(Et accessoirement, c'est une lignée parfaitement saguenéenne que nous retrouvons sur la photo, prise lors des États généraux: Patrice Leblanc, Marilyne Renaud, moi, Denise Lavoie et Éric Chalifour!)